Jeanne-A Debats, L'Héritière, Éditions ActuSF, collection 3 souhaits, octobre 2014 - collection Hélios, mars 2016

Publié le par Maude Elyther

illustration de couverture par Damien Worm

illustration de couverture par Damien Worm

4ème de couverture

Je m'appelle Agnès Cleyre et je suis orpheline. De ma mère sorcière, j’ai hérité du don de voir les fantômes. Plutôt une malédiction qui m’a obligée à vivre recluse, à l’abri de la violence des sentiments des morts. Mais depuis le jour où mon oncle notaire m’a prise sous son aile, ma vie a changé. Contrairement aux apparences, le quotidien de l’étude qu’il dirige n’est pas de tout repos : vampires, loups-garous, sirènes… À croire que tout l’AlterMonde a une succession à gérer ! Moi qui voulais de l’action, je ne suis pas déçue… Et le beau Navarre n'y est peut-être pas étranger.

Avant-propos

J'ai réellement connu le terme [je précise bien "terme", parce que bien sûr il y a Buffy contre les vampires, qui était alors qualifiée de fantasy urbaine] "bit-lit" par le biais de la série True Blood, une adaptation de la saga La Communauté du Sud de Charlaine Harris. Ce sous-genre de l'urban fantasy, aussi appelé romance paranormale : l'intrigue se place dans notre monde contemporain, à quelques exceptions puisque les créatures surnaturelles s'y profilent. Néanmoins, la bit-lit* à tendance a être estampillé "littérature pour filles" (des femmes qui "galèrent", de la romance...). Ce sous-genre devient intéressant là où certaines œuvres proposent des héroïnes fortes (souvent grâce à leurs défauts) : elles doivent jongler entre leur vie quotidienne (travail, rupture...) en parallèle d'histoires surnaturelles (sorcellerie, vampires...).

La trilogie de Jeanne-A Debats a innové d'un autre point de vue : là où les intrigues se déroulent la plupart du temps aux États-Unis, l'auteure situe la sienne à Paris. Ce premier tome est paru en 2014, mais je ne l'ai lu qu'en juillet de cette année, enchantée de découvrir le cimetière du Père-Lachaise dès les premières lignes !

* Je précise qu'il ne s'agit pas d'une définition exhaustive, juste de quoi situer.

Mots clefs

urban fantasy - bit-lit - Paris - sorcière - vampires - sirènes - fantômes - romance - loups-garous - héritage

Voilà la couverture de "L'Héritière" pour la collection Hélios (poche), illustration de Damien Worm

Voilà la couverture de "L'Héritière" pour la collection Hélios (poche), illustration de Damien Worm

Mon retour lecture

Plus haut, je soulignais déjà l'originalité de ce roman de se situer en plein Paris, mais ce n'est pas tout. En effet, d'autres petites choses font de cet univers, de cette lecture, un petit bijou éclatant. Comme par exemple le fait que l'intrigue se passe en 2029 : eh oui, voici un léger côté futuriste, que nous découvrons notamment via la technologie (imaginez que les données de votre écran puissent être modulées, agrandies etc hors de celui-ci ?) - vous retrouvez cet aspect dans la série Dark, qui se déroule en 2021 lors de la première saison. Bon, je digresse déjà ! Pour en revenir plus spécialement à L'Héritière, l'écriture de l'auteure est colorée, elle a du peps et fait rire. Ce qui est également le cas de ses personnages, notamment à travers les dialogues. Une sorcière, jeune adulte orpheline, un oncle éternel et notaire singulier, une sirène d'eau douce qui passe son temps à se maquiller, à se coiffer ou à pratiquer le nail art au bureau, un vampire flamboyant qui n'a rien à envier à Alexander Skarsgård (Eric dans True Blood, vous voyez ?), un loup-garou très attirant...

Récit résolument féministe, nous voilà embarqués dans les pas d'Agnès, cette sorcière de vingt-sept ans adepte des minus jupes et hauts talons, même en une pleine nuit de la Toussaint pour escalader les grilles du cimetière du Père-Lachaise. Que fait-elle là ? Compte-elle pratiquer un rituel ? Eh bien non. Car Agnès est une sorcière particulière : elle "absorbe" les fantômes. Les fantômes sont ici les pensées noires, la souffrance, l'amour perdu etc Certains zonent dans des endroits spécifiques - à tel point qu'elle à établi une carte mentale de son quartier -, ou collent aux gens. Aussi Agnès avait-elle vécu dans sa tour d'ivoire, chez ses parents, n'ayant de réels contacts avec l'extérieur que par le biais d'un ordinateur et des amis de son frère. Seulement voilà, ses parents ainsi que son frère sont morts. C'est pour les visiter sur leurs tombes qu'elle se trouve au Père-Lachaise en cette nuit particulière, fortement alcoolisée pour que les fantômes ne se jettent pas tout de suite sur elle. Or c'est cette nuit qu'elle retrouve son oncle Géraud et qu'elle fait la connaissance de Navarre.

Navarre est un vampire, d'accord, mais il est si flamboyant ! Et très beau, évidemment, et ça il le sait très bien... Néanmoins, il travaille pour Géraud, et nous apprendrons avec Agnès que ce vampire qui aime la vie n'est pas à mettre dans le même sac que ses semblables. En parlant d'eux, alors qu'Agnès se voit signer un contrat de travail dans le cabinet de notaire, spécialisé pour les créatures de l'AlterMonde, de son oncle, une grosse affaire leur tombe dessus : retrouver les héritiers humains d'un vampire vieux de plusieurs siècles. Fils d'une grande dame du Cénacle, Herfauges a été condamné à mort. Avant de mourir pour de bon, il choisira parmi ses héritiers celui ou celle auquel ou à laquelle il offrira l'Offrande Obscure (la transformation en vampire). Mais voilà que ce dangereux et sanguinaire vampire se retrouve sous clef dans le cabinet, et qu'il faut supporter tous les soirs les cris de la jeune femme qui lui sert de repas ; bien sûr, celles-ci sont soignées et Navarre leur fait oublier cet effroyable moment, il n'empêche.

Alors que les recherches avancent doucement, au gré de traduction de documents séculaires rédigés en latin, Agnès va en apprendre plus sur l'AlterMonde. Car si elle est une sorcière, sa mère s'est bien gardée de lui expliquer le fonctionnement qui a été impartie entre les différentes espèces. Ainsi elle va découvrir que son quartier se situe sur le domaine d'une meute de loups-garous. Mais il s'agira d'un loup-garou d'une autre meute dont elle se rapprochera, malgré son attirance pour Navarre, lequel préfère d'ailleurs les hommes, malgré sa bisexualité. Alors qu'ils remontent enfin une piste concrète quant aux héritiers d'Herfauges, on s'en prend à ce dernier. Pire : Agnès se retrouve prisonnière avec lui dans sa cage... dans un sous-sols grouillant et suintant de fantômes très très tourmentés. Bien sûr, la présence d'un vampire annule d'ordinaire leur impact sur la jeune femme, mais là ils sont tellement nombreux...

Voilà pour les grandes lignes de l'histoire, narrée par Agnès. Beaucoup d'éléments se chevauchent : le surnaturel, le don atypique d'Agnès qui se révèlera à un moment tragique, des questions de legs et d'héritage, avec les combines des vampires pour se léguer à eux-même leur fortune en passant incognito sur le papier, un peu de géo-politique pour la répartition des territoires des différents clans... Mais aussi un discours féministe en filigrane, porté par cette jeune sorcière qui n'est pas un canon de beauté sophistiquée (quoi que Navarre trouve une ressemble entre son fessier et une statue qu'il apprécie grandement), malgré ses tenues courtes et chaussures à talons particulières. Avec ses failles, son écart aussi bien entre le monde réel (elle a vécu uniquement chez elle, même pour les cours etc) et l'AlterMonde qu'elle commence à peine à connaître.

Certaines scènes sont magiques : voler dans les bras de Navarre en écoutant un titre de Placebo (Battle for the sun), les fées dans les ruches, le don de Géraud qui réanime les fleurs sur la tombe... D'autres très drôles : comme le piège d'Azraël contre Herfauges pour qu'il ne boive pas le sang d'Agnès, ou la relation qui évolue entre ce vampire et la sorcière (les petits surnoms par exemple), la répartie de Navarre (sérieusement, ce vampire est réellement flamboyant), le grand professionnalisme de Zalia, la sirène d'eau douce qui change tous les jours de tête avec son make up etc.

Avec tout ça si vous n'avez pas compris que j'ai adoré ces personnages... Herfauges, ce vampire détestable qu'on adore. Navarre... ah justement, notez que vous pouvez découvrir le monde de ce vampire bon vivant dans Métaphysique du Vampire (toujours chez ActuSF) qui regroupe une novella plutôt qu'un roman ainsi que trois nouvelles narrées par Navarre lui-même, et qui vous fera voyager dans le temps et les genres (un peu de vaudou contre la forteresse d'un nazi ; une quête digne de la Table Ronde avec un preux Chevalier, des sirènes et un Dragon ; un voyage dans le passé pour contrer les plans d'un ancien amant ; et un saut dans l'espace, au cœur d'une "thalassothérapie" particulière).  

En bref : Des créatures surnaturelles, des personnages hauts en couleur, de l'humour, de l'aventure, un zeste de romance, une héroïne qui s'affirme de jour en jour, des fantômes, des vampires, des loups-garous... le tout en plein Paris, en 2029 : n'attendez plus pour découvrir cette trilogie de Jeanne-A Debats ! Retrouvez les 3 tomes aux Éditions ActuSF, dans la collection 3 souhaits (broché) ou Hélios (poche).

La suite des aventures d'Agnès : Alouettes ; Humain.e.s, trop humain.es (qu'il va falloir que je me procure... !)La suite des aventures d'Agnès : Alouettes ; Humain.e.s, trop humain.es (qu'il va falloir que je me procure... !)

La suite des aventures d'Agnès : Alouettes ; Humain.e.s, trop humain.es (qu'il va falloir que je me procure... !)

À lire aussi

À lire aussi

Publié dans chronique personnelle

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article