Mary Doria Russell, Le Moineau de Dieu, Éditions ActuSF, Collection Perles d'épices, 14 janvier 2022

Publié le par Maude Elyther

Artwork : AMMO

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4ème de couverture

Emilio Sandoz, linguiste et prêtre, est le seul survivant d’une mission de contact avec des extraterrestres sur une planète lointaine. Il en revient marqué du sceau de l’infamie : là-bas, il se serait prostitué et aurait tué un enfant... Que s’est-il réellement passé ? Que sont devenus les autres membres de l’expédition ? D’où viennent ces cicatrices terribles sur ses mains ?

Roman inoubliable et bouleversant, Le Moineau de Dieu raconte cette première expédition et l’histoire d’Emilio, posant mille questions sur notre rapport à l’altérité et à notre propre humanité. Premier livre de Mary Doria Russell, elle-même anthropologue renommée, il a été récompensé par le British Science Fiction Award et les prix Arthur C. Clarke et James Tiptree, Jr.

Avant-propos

Avant tout, je remercie de nouveau les Éditions ActuSF et Jérôme pour l’envoi de ce service presse papier. Il faut bien avouer que j’ai hésité avant de jeter mon dévolu sur ce roman, car la SF n’était pas un genre qui m’interpellait jusqu’à récemment. Néanmoins, j'ai dernièrement adoré La Nuit du Faune. Quant au Moineau de Dieu, ce joli pavé promettait d’aborder une réflexion sur l’altérité et notre humanité, en plus d’avoir été écrit par une anthropologue. Aussi, n’ai-je pas trop longuement tergiversé... et bien m’en a pris !

Traduit par Béatrice Vierne, Le Moineau de Dieu, dans cette superbe édition collector, s’est révélé dès les premières pages un récit dense, immersif et fascinant, addictif, intelligent et intellectuel, mais aussi humoristique et bouleversant.

Je vous en dis plus ci-dessous :)

Mots clefs

Science-Fiction – croyance – amitié – tranches de vie – humanité – altérité – rencontre – anthropologie – confession – théologie – résilience – expédition – mission – linguiste – découvertes – mode de vie – autre civilisation – premier contact – différences culturelles

Mary Doria Russell, Le Moineau de Dieu, Éditions ActuSF, Collection Perles d'épices, 14 janvier 2022

Ce sont des romans tel Le Moineau de Dieu qui vont me faire aimer la Science-Fiction ! Eh oui, si vous me suivez, vous savez que j’ai une préférence pour le fantastique et la fantasy (tant en lecture qu’en écriture), toutefois, il existe certains livres vers lesquels je suis attirée et qui se révèlent de véritables pépites. Bien sûr, ce titre avait de quoi me plaire d’emblée : un mélange de thématiques allant de l’humanité à la croyance, un récit dense, une double narration, des personnages attachants à la fine psychologie… Car voilà, l’autrice, Mary Doria Russell, a réussi l’exploit de mêler la religion (ici via l’ordre des Jésuites), avec des réflexions sur la théologie, la croyance, à la Science-Fiction. Le tout via un projet d’immense envergure : un voyage vers une autre planète, Rakhat, à la rencontre d’une autre civilisation.

Comme je l’ai mentionné ci-dessus, une double narration nous entraîne au cœur de cette histoire. Avec pour lien entre ces époques, le linguiste Emilio Sandoz, un Jésuite. Car il a fait partie de la mission du voyage dans l’espace et qu’il en est le seul survivant. Nous suivons de ce fait son retour en fin 2059, nous découvrons alors un homme sur le déclin, les mains lacérées, alors que pèsent sur lui d’épouvantables accusations. Il doit faire face à une haute autorité du Vatican qui devra le juger, une fois qu’il sera rétabli. Pour comprendre l’homme et son histoire, nous le découvrons en parallèle en 2019, forgeant des amitiés, faisant ressortir le meilleur de son passé secoué, tout ce qui le conduira sûrement vers Rakhat.

2019 est chaleureuse, Emilio s’entoure de Jimmy Quinn, du couple d’Anne et de George Edwards, de Sofia Mendes, de D. W. Yarbrough… Ils forment une véritable famille d’amis. Et l’on en apprend sur la vie de chacun, sur leurs spécialités dans divers domaines, leur personnalité, des épisodes marquant de leur passé. De véritables tranches de vie ponctuent les chapitres consacrés à cette période, des repas chez les Edwards riches en discussions analytiques, de savoureuses réparties.

2059/2060 sont quant à elles sombres et froides. Emilio n’a plus rien de sa chaleur et de sa malice, il est complètement replié en lui-même, agressif dans la défensif. Anémié, atteint du scorbut, il y a également ces horribles cicatrices aux mains et son état mental qui attestent l’horreur, l’innommable. Sur Rakhat, a-t-il réellement tué une enfant, s’est-il prostitué ? Il ne veut rien dire, ne se confie à personne, bien qu’autour de lui gravitent deux figures bienveillantes, le père John et le frère Edward.

Approfondissant l’écueil entre ces années, se trouve le gouffre temporel du voyage dans l’espace : au total, Emilio Sandoz serait parti plus de 45 ans. Depuis la Terre, le voyage vers Rakhat correspond à 17 années, tandis que pour lui, ces années ont été moindre. Aussi, des personnes qu’il avait laissées derrière lui lors de son embarquement, il n’en demeure plus beaucoup.

L’autrice articule ces deux narrations sur les chemins de vie des personnages qui sont enrichis par leurs expériences personnelles comme professionnelles. Ainsi divers domaines s’entremêlent : linguiste, médecin/anthropologue, astronome… Les protagonistes ne sont pas simplement déterminés par leur qualification, ils exsudent ces qualifications. Je salue l’autrice pour avoir insuffler cela à son récit, l’exaltation et la curiosité des personnages sont contagieuses. Même si je n’ai pas toujours tout compris de certains termes ou explications plus scientifiques, j’en ai saisi l’essentiel pour suivre l’histoire.

Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas dans un Space Opera.  vrai dire, une grande partie de l’intrigue se déroule sur notre Terre, entre le passé d’Emilio et des liens amicaux se forgeant, jusqu’à la découverte d’un signal extraterrestre par Jimmy Quinn, qui se révèle être une chanson. Cette découverte va les emmener sur le projet d’envergure de mener une mission sur la planète qui sera nommée Rakhat.

Les premiers pas sur Rakhat sont sublimes, ils transcendent Emilio. Entre faune et flore nouvelles, nos amis vont rencontrer les Runa. Tout cela s’apparente à une forme d’utopie, qui s’entremêle à la facette de linguiste d’Emilio qui apprend leur langue avec la petite Askama, le regard d’anthropologue d’Anne et de l’autrice… Mais, tout comme ce voyage et ces nouvelles expériences ne sont pas anodins, dans le sens où tout semble s’être construit petit à petit pour mener jusque-là, les événements qui s’en suivront se dessinaient en amont, sans que les protagonistes n’en prennent réellement conscience.

Par le biais des différents personnages, des différents lieux, situations et rencontres, nous passons par tout le panel d’émotions et de ressentis : la chaleur, le rire/l’humour, l’exaltation, l’amitié, les découvertes, la douleur, le deuil, l’indignation, la colère/révolte… C’est toute une palette de couleurs qui se déploient, parfaite image de la complexité humaine, contrebalancée par les civilisations sur Rakhat, qui offrent d’autres cultures.

Mary Doria Russell, Le Moineau de Dieu, Éditions ActuSF, Collection Perles d'épices, 14 janvier 2022

En bref : Paru pour la première fois en 1996, Le Moineau de Dieu arbore aujourd’hui un petit côté uchronique à nous lecteurs de 2022 pour une partie de l’intrigue se déroulant en 2019. Basé sur deux époques avec pour point de convergence Emilio Sandoz, le linguiste Jésuite, seul survivant de la mission sur Rakhat et accusé des pires infamies.

Tranches de vie, naissance et consolidation d’amitiés, domaines de spécialités complémentaires donnant lieu à de riches échanges et une incroyable vie aux protagonistes… l’autrice nous propose un large nuancier de la complexité humaine, nous transmettant tout un panel d’émotions et de ressentis. Loin de lui suffire, elle contrebalance éducations, faits acquis et repères humains par l'introduction des civilisations de Rakhat.

Via son regard d’anthropologue, et des thématiques sur la théologie et la croyance, Mary Doria Russell a bâti une véritable pépite, avec Emilio Sandoz qui « cherche l’expérience de Dieu ».

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