Jean-Laurent Del Socorro, Morgane Pendragon, Éditions Albin Michel, 18 janvier 2023

Publié le par Maude Elyther

illustration de couverture par Didier Graffet

illustration de couverture par Didier Graffet

4ème de couverture

« Les légendes sont écrites à l’image des hommes, aussi, comment pourrais-je en être l’héroïne ? »

An 601. Île de Bretagne.

Depuis la mort d’Uther Pendragon, souverain du royaume de Logres, aucun héritier n’est monté sur le trône. Pour cela, il faudrait réussir à extraire l’épée du défunt monarque, enchâssée dans la pierre.

À l’aube de ce nouveau siècle, les prophètes en sont pourtant persuadés : un nouveau roi va naître. Le puissant Merlin a la certitude qu’il s’agit de son protégé, le jeune Arthur, mais c’est Morgane, la fille cachée d’Uther, qui s’empare de l’épée.

Réussira-t-elle à faire face aux guerres, aux intrigues et aux trahisons, et à s’imposer comme une souveraine légitime ?

La légende morganienne ne fait que commencer.

Jean-Laurent Del Socorro est un écrivain français de fantasy historique. Il a reçu le prix Elbakin.net pour son premier roman, Royaume de vent et de colères, le prix Imaginales des Bibliothécaires pour son deuxième roman, Boudicca. Et enfin le prix Babelio 2020 pour son roman Je suis fille de rage.

Avant-propos

En premier lieu, je remercie Gilles Dumay et les Éditions Albin Michel Imaginaire pour l’envoi de ce service presse ! La légende arthurienne représente un terrain fertile aussi bien historique que dans l’imaginaire. Alors découvrir une version proposant une certaine équité avec non pas un roi (Arthur) mais une reine (Morgane) est plus que tentant.

Morgane Pendragon sort ce 18 janvier, rendez-vous chez votre libraire.

Mots clefs

Fantasy historique – fantasy epic – réécriture légende arthurienne – légende morganienne – faërie – magie – religion – guerre de religions – christianisme – reine – Excalibur – trahison – légendes – lgbtqia – personnage principal féminin – équité

Jean-Laurent Del Socorro, Morgane Pendragon, Éditions Albin Michel, 18 janvier 2023

Mon retour

Introduction

Si Jean-Laurent Del Socorro est connu pour ses romans de fantasy historique, mettant en avant des personnages féminins, c’est avec ce titre que je le découvre pour la première fois. Sous la splendide illustration de couverture signée Didier Graffet, l’auteur nous offre une réécriture de la légende arthurienne, avec ce détail qui change tout : et si c’était Morgane qui avait retiré l’épée du roi Uther Pendragon ?

La reine Morgane

Qui ne connaît pas Arthur, les chevaliers de la table ronde, la quête du graal, Excalibur, Merlin l’enchanteur, la dame du lac… ? Entre Histoire et fantasy, cette légende n’a de cesse de passionner. Avec son nouveau roman, Jean-Laurent Del Socorro propose une réécriture inclusive, avec des personnages humains plutôt que légendaires, confrontés au monde mouvant des intrigues politiques et religieuses. Si c’est Morgane qui parvient à s’emparer de l’épée du roi Uther Pendragon, son père, et non Arthur, son amant, il n’en demeure pas moins qu’elle fait aussitôt face à des contestataires. À peine reine de Logres, la voilà déjà à devoir prendre les bonnes décisions ; elle qui souhaite reconstruire l’harmonie des royaumes, elle doit faire la guerre pour assoir sa Couronne.

Ainsi commence Morgane Pendragon.

Jeune femme adoubée chevalière, Morgane embrasse son rôle de reine. Si elle souhaite s’émanciper de la présence de Merlin, elle sait pouvoir compter sur Arthur. Mais la reine de Logres ne va pas se contenter d’avoir mater ses vassaux belliqueux. Pour renforcer son poids quant à sa volonté de reconstruire et de renforcer Logres, elle créé la table ronde où siégeront une Épée de chaque Couronne. Ici seront débattus les quêtes, des quêtes qui forgeront l’amitié comme les récits d’Arcade la barde.

Des alliances sont forgées, des ennemis deviennent des amis, les troupes et les quêtes sont victorieuses. Toutefois, le statut de reine de Morgane l’éloigne d’Arthur et elle doit faire passer Logres avant elle. Aussi, alors qu’Arthur se voyait roi en épousant Morgane, cette dernière épouse Guenièvre. Amer, Arthur s’en retournera à Tintingel, dont le titre de duc lui a été restitué. En parallèle, l’avancée du christianisme menace la religion de la Déesse. Toutefois, là encore Morgane cherche l’harmonie, accepter l’autre.

La légende morganienne

À travers le roman, si les personnages centraux sont tenus par Morgane et Arthur, les autres protagonistes ne sont pas en reste et participent à la légende morganienne. Morgane est une jeune femme, une chevalière, une amante, une épouse, une mère et une reine, mais elle est avant tout un être humain et non une légende, et d’ailleurs c’est ce qu’elle ressent. Elle se voit en tant que protectrice et souhaite être garante de l’harmonie, et non comme une personne exceptionnelle. Malgré tout, elle excelle dans son rôle de reine, de même que ses troupes gagnent les différentes batailles.

Seulement Morgane ne réussit pas toute seule, elle est entourée. Les noms connus comme Guenièvre, Gauvin, Lancelot, Kay… Des frères et sœurs d’arme ou de lait, des ami.e.s, des amant.e.s, des vassaux. Leur alliance, les débats, les quêtes et les combats qu’ils mènent ensemble participent grandement au règne de Morgane, car c’est ensemble que s’esquisse les idéaux de la reine de Logres.

La légende morganienne se tisse également à travers les artefacts disséminés dans le récit. Les épées (dont la fameuse Excalibur), une lance, le calice du roi Pellès alias le roi pêcheur (que les chrétiens revendiquent comme étant leur saint graal). Ces artefacts, dotés de magie, sont de forts symboles que l’auteur reprend bien évidemment dans sa réécriture.

Un soupçon de Faërie

En parlant de magie, il est très plaisant que Jean-Laurent Del Socorro l’ait incluse dans son roman. En effet, au-delà du côté épique et en partie historique, c’est bien une fantasy que propose l’auteur. La magie est discrète, bien que présente dès le départ via le personnage de Merlin. La Faërie existe, si elle s’est effacée pour se cantonner aux frontières du royaume du roi Pellès, le père de l’Épée Élaine. Toutefois, sous le règne de Morgane, elle revient peu à peu sur les territoires humains.

Quelques rites dits païens sont célébrés, notamment Imbolc (solstice du printemps). Ce dernier représente bien le fil rouge du récit : les graines des intentions de Morgane pour Logres sont plantées.

Toutefois, la Faërie et donc la foi à la Déesse sont menacées par le christianisme qui s’étend. Si Morgane espère conserver le vivre ensemble avec l’évêque Constantin, les choses seront bien différentes avec le successeur de celui-ci. La religion chrétienne menace la Faërie comme les traditions ancrées. Alors que géants, métamorphes et autres créatures émergent des brumes d’Avalon, le christianisme a dessein de les éliminer, car selon les écrits se sont des créatures impies, démoniaques.

Œuvre inclusive

La foi chrétienne menace aussi les rois et les reines, ne mariant que deux personnes de sexes différents. En effet, inspiré des mœurs celtes, Jean-Laurent Del Socorro livre des personnages bisexuels, pansexuels. Polyamours et enfants en-dehors des mariages ont toute leur place dans ce récit. C’est tout à fait libérateur de découvrir cette ouverture d’esprit dans une réécriture d’une légende fondatrice. L’auteur ne s’est pas juste arrêter à l’idée de donner la couronne à Morgane plutôt qu’à Arthur, car il intègre aussi l’équité à tous les personnages.

Les femmes ne sont pas des demoiselles en détresse, certaines sont chevalières et leurs talents et leur courage n’ont rien à envier à ces messieurs. Une reine peut s’habiller en robe aux banquets comme revêtir son armure pour d’autres occasions. Elles sont autant indépendantes que les hommes, même si ni elles ni les hommes ne peuvent échapper à leurs devoirs, comme des alliances par le mariage, néanmoins, des "divorces" arrivent.

Écrire une légende

Le style de Jean-Laurent Del Socorro est fluide, sa plume minimaliste va à l’essentiel, jusqu’à découper l’intrigue via des ellipses de plusieurs années. Car Morgane Pendragon retrace les moments clefs de la reine de Logres. S’il m’a manqué de la profondeur, les personnages sont toutefois justement incarnés, leur description comme leurs traits de caractère suffisent à les représenter sans qu’ils ne soient creux ; bien qu’à mon sens les deux derniers personnages introduits à la fin manquent à ce travail, penchant beaucoup trop dans le manichéisme déjà présent avec la foi chrétienne.

Si le roman retrace la légende morganienne, je disais plus haut qu’elle ne se dissociait pas d’Arthur. Ainsi, l’auteur alterne par le point de vue de ces deux personnages, amants dans cette réécriture, à travers des chapitres courts narrés à la première personne du singulier.

Je n’ai pas eu d’attachement particulier aux personnages principaux, bien que Morgane soit bien campée et à la hauteur de son rôle. Arthur m’a très souvent agacée : il se voit roi et se frustre sans cesse de son destin qu’il n’accepte pas, en plus d’être influençable et de prendre des décisions contre ses valeurs. Bon, il se rattrape, heureusement.

Malgré tout, le scénario fonctionne à merveille. Je me suis insurgée contre l’évêque Laurent, le traitement des Faëries sous la vision du christianisme, l’asservissement de Bisclavret par Tate et sa religion, les diverses trahisons. Les intrigues religieuses dessinent bien ici l’effacement du rapport à la Nature, des rites païens, par le christianisme qui a diabolisé les animaux, les femmes et la Faërie, ne manquant pas d’écrire, de réécrire même, l’Histoire à leur avantage. Toutefois, le couple Kay/Palamède prouve bien que l’idéal de Morgane existe : l’harmonie entre deux religions, Palamède étant arabe, donc sassanide et zoroastrien (car au VIIème siècle où se déroule ce roman, l’islam n’existe pas encore).

En bref : Jean-Laurent Del Soccoro nous offre une réécriture de la légende arthurienne moderne et inclusive. Et si Morgane avait retiré l’épée et non Arthur ? Partant de ce « Et si… ? », l’auteur nous brosse la légende morganienne à travers les événements clefs en réinventant les symboles et personnages. L’avancée du christianisme en ce VIIème siècle va souffler un vent de trahisons, d’intrigues et de batailles épiques. La foi chrétienne veut effacer les femmes et les Faëries de l’Histoire, revendiquer la quête du graal. Dans ce contexte, Morgane trace sa destinée, et sa légende.

S’il manquait de profondeurs et de complexité pour moi, j’ai passé un très bon moment de lecture. Ce roman se lit facilement et rapidement. J’ai adoré son côté libérateur grâce à la représentation parmi les personnages et l’équité avec des femmes combattantes et courageuses. La dimension des Faëries et des rites païens ouvrent sur le merveilleux du folklore celte et donne envie de renouer avec la Nature.

Jean-Laurent Del Socorro, Morgane Pendragon, Éditions Albin Michel, 18 janvier 2023

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