Aliette de Bodard, Serviteur des Enfers, Éditions Mnémos, 13 mars 2024
4ème de couverture
1480. Tenochtitlan (Mexico), capitale de l’empire aztèque.
Acatl, grand prêtre des morts, s’entaille le lobe des oreilles pour fournir le « sang vif » nécessaire au service funéraire… La routine !
Pendant ce temps, une liaison interdite est sur le point de se nouer entre Eleuia, prêtresse aussi ambitieuse qu’imprudente, et Neutemoc, guerrier jaguar issu de l’élite des combattants et frère du grand prêtre ; mais lorsque Eleuia disparaît, laissant derrière elle des traînées de sang et des traces magiques, Neutemoc est évidemment suspecté.
Roman de fantasy historique passionnant, aux personnages à la fois si lointains et si proches, Serviteur des Enfers fait revivre un monde précolombien riche et complexe, où le plus haut degré de civilisation contraste avec des pratiques sacrificielles omniprésentes.
Découvrez l’empire aztèque en suivant l’enquête magico-policière d’Acatl, prêtre-détective pris entre démêlés familiaux, intrigues de cour et créatures démoniaques !
Polytechnicienne, ingénieure dans une grande entreprise française, Aliette de Bodard a été nominée une quarantaine de fois aux prix littéraires anglo-saxons les plus réputés, et en a obtenu quatorze !
Traduit de l'anglais par Laurent Philibert-Caillat
Préface de Stéphanie Nicot
13 mars 2024 ISBN : 978-2-38267-110-8 / 400 pages /grand format à rabats / 22,50 € Traduction : Laurent Philibert-Caillat Préface de Stéphanie Nicot Illustration : João Queiroz
Avant-propos
Je remercie Estelle et les Éditions de m’avoir proposé et envoyé ce roman en service de presse ! Comme beaucoup, j’ai toujours ressenti de la fascination pour les civilisations anciennes, les civilisations disparues : l’Égypte Antique, les peuples Mayas, Aztèques… Alors je ne pouvais pas refuser de découvrir Serviteur des Enfers !
Mots clefs
Fantasy – fantasy historique – roman policier – empire aztèque – magie – divinités – prêtre des morts – enquête – enquête policière – intrigues de cour – créatures démoniaques – panthéon aztèque – relation entre frères – sacrifices – horreur – équilibre entre les mondes
Mon retour
S’étant étayée de nombreuses recherches sur la vie quotidienne, sociétale et politique de l’empire aztèque, Aliette de Bodard nous livre une fantasy historique, mais pas que, car c’est avant tout un roman policier. Eh oui, une enquête magique dirigée par le grand prêtre des morts, Acatl, en 1480. Si je m’attendais à davantage de complexités, nous découvrons pas à pas le quotidien à Tenochtitlan, les codes sociaux, la hiérarchie, les divinités, la magie du sang vif et les sacrifices qui vont avec (scarifications rituelles, sacrifices d’animaux et d’humains).
Longuement décrite comme barbare par les occidentaux qui l’ont découverte, cette civilisation fait montre au contraire d’une grande cohésion et organisation. N’en déplaise à Acatl, la politique est étroitement liée au système organisationnel. Paysans, prêtres, guerriers, l’on peut s’élever par le mérite (capture de prisonniers, exploit sur le champs de bataille…). Les religieux ont beau être décriés par les guerriers, qui les jugent sans honneur ni bravoure, ils ont la lourde tâche de veiller à l’intégrité du 5ème monde, celui des humains. Car les divinités, majeures comme mineures, aiment à l’occasion en faire leur terrain de jeux, ce qui pourrait causer de grandes pertes, si ce n’est sa dissolution complète.
Dans ce décor, Acatl, le grand prêtre des morts et narrateur, n’aspire qu’à la tranquillité, loin des enjeux politiques, or le voilà poussé dans l’arène : il est chargé d’enquêter sur la disparition de la prêtresse favorite Eleuia. En plus de retrouver une chambre saccagée et du sang, la magie a été utilisée. Ce début d’enquête pousse davantage notre prêtre dans ses failles puisque le principal suspect n'est autre que Neutemoc, son frère, un guerrier jaguar avec lequel il est en froid.
Des scènes de tous les jours, aux rituels et à l’utilisation de la magie, de la place sociale de chaucune.e avec les valeurs qui en incombent, l’autrice déroule au fur et à mesure de l’avancée de son récit les couleurs du peuple aztèque. En toute connaissance de cause, vous serez confronté.e aux « noms à rallonge » ou « imprononçables » du panthéon rattaché (Quetzalcoatl, le Serpent à Plumes ; Huitzilopocti, le Colibri Austral), comme aux noms de certains personnages. Toutefois, pas d’inquiétude si vous ne mémorisez pas ces termes : ils sont à chaque fois resitués, même si en annexe se trouve la liste des personnages et un glossaire.
L’enquête commence par une simple disparition avec l’arrestation immédiate du suspect parfait, le frère du narrateur, qui se révèle adultère (hautement punitif dans la société aztèque). Alors qu’Acatl s’échine à sauver son frère, malgré une affection inexistante, les choses se révèlent plus tortueuses que ne le suggèrent les apparences. Plusieurs magies peuvent-elles être à l’œuvre dans cette histoire ? Quelles sont les affreuses créatures démoniaques lancées sur Neutemoc ? Le grand prêtre des morts risque à maintes reprises sa vie dans cette enquête, allant jusqu’à se confronter aux divinités elles-mêmes, puisque tout cela dépasse l'envergure du 5ème monde.
Une galerie de personnages évolue tout au long. Le bras droit d’Acatl au temple, Ichtaca le prêtre du feu, et les apprentis avec lesquels le concerné n’est pas à l’aise car ne veut rien avoir à faire avec la politique autant qu’il préfère rester seul. De même, avec le souvenir coupable de la disparition de son premier et dernier apprenti, le voilà à garder auprès de lui pour enquêter Teomitl qui souhaite l’assister comme il escompte s’enrichir de sa sagesse. La famille de Neutemoc est aussi bien présente, notamment la sœur cadette des deux frères, Mihmatini, douée en magie. Ceyaxochitl incarne un personnage central, bien que plutôt dans l’ombre : c’est par son biais que le narrateur est devenu grand prêtre des morts (sans y avoir réellement consenti il faut dire) ; Yaotl, son esclave messager personnel est également de la partie, insolent et relativement fourbe. À ceux-là, s’ajoutent des prêtres et prêtresses, des guerriers, des paysans… et des divinités.
Avec eux, nous découvrons les couleurs et les senteurs de l'empire aztèque : les offrandes (précieuses plumes, fleurs), les pierres magiques (obsidienne, jade), les temples et lieux de cultes avec leurs fresques et autels, le cacao chaud à la vanille, les symboles des différentes divinités (l’on n’en vénère qu’une), les champs de maïs, les richesses de guerre (fourrures, coffrets…), les armures des guerriers... Tous ces détails sont imbriqués dans le récit de manière à être visuels sans s’épancher.
La religion est omniprésente, avec toutes les divinités mentionnées et rencontrées, les différents temple leur étant individuellement consacrés. La politique lui est étroitement attachée, de quoi confronter Acatl à son réel rôle en tant que grand prêtre, et ce malgré lui.
Attendez-vous à beaucoup de sang. Les sacrifices d’animaux (heureusement non détaillés), les scarifications rituelles, notamment d'Acatl, les combats… Petit aparté sur les sacrifices humains (mentionnés) : c’était un honneur de se livrer ainsi à son dieu ou sa déesse, cela était donc un choix, sauf pour les esclaves capturés au-delà du territoire. En parlant d’esclaves, ceux des foyers étaient des personnes qui n’avaient plus les moyens et donc se livraient ainsi, mais elles étaient bien traités (par exemple, il était interdit de les battre).
Si l’enquête est bien construite et prenante, il m’a manqué davantage de profondeur : j'attendais plus de matière quant à l’univers. De même, j’ai toujours ressenti une distance avec les personnages, à l’image de leurs interactions qui restaient froides pour moi. Quant au texte, traduit car écrit en anglais par l’autrice au demeurant française (Stéphanie Nicot nous l’explique en préface), je l’ai trouvé relativement moderne, avec des expressions qui ne pouvaient exister à l’époque, c’est certain. Cette approche me mitige encore maintenant, alors que j’ai terminé ma lecture depuis une semaine environ : d’un côté, cela apporte du dynamisme, mais d’un autre, et c’est là bien personnel, cela a perturbé ma lecture car me faisait sortir de l'ambiance. Pour autant, il y a entre ces pages de jolis passages, et l’enquête est également ponctuée des prières et invocations aux divinités, des lignes imagées qui rendent bien compte de la culture aztèque.
En bref
Voilà une œuvre originale : une fantasy historique polar se déroulant en empire aztèque. La magie est présente tant dans les rituels et rites que par la présence d’une partie du panthéon (à travers des « voyages » par visions et plantes, comme de rares incarnations terrestres). Le narrateur est atypique : un grand prêtre des morts qui ne croit pas en ses capacités, exècre la politique et a des liens dysfonctionnels avec sa famille. Or il est chargé d’enquêter sur la disparition d’une prêtresse, devant sauver son frère et faire face à bien plus grand que lui.
Serviteur des enfers est le premier texte que je lis d’Aliette de Bodard, que j’avoue découvrir, malgré sa bibliographie importante et les nombreux prix littéraires associés qui remplissent son CV. Même si j’attendais plus de complexité (mais c’est là mon goût personnel), l’intrigue policière m’a séduite, et il a été plaisant de découvrir la vie quotidienne d’une civilisation disparue qui continue de fasciner.
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