L'Enfant de l'Hiver et l'Ogre
« J’étais né pour contempler, plus que toute autre chose. »
dit Anthelme dans l'envoûtant
Apostasie de Vincent Tassy
Depuis que j'ai lu le sublime Apostasie de Vincent Tassy, mes écrits prennent indéniablement une tournure pour des territoires baignés de Faërie, davantage marqués par le vampirisme, et foisonnants du monde végétal... :-)
Je vous présente ici L'Enfant de l'Hiver et l'Ogre, court roman écrit en mode marathon sur la trame des Contes de Fées :)
Synopsis
Il était une fois, un garçon qui était différent. Sur les terres désenchantées des hommes, ami des animaux et des plantes, il rêve aux êtres d'essence féerique. Mais lorsque ses véritables parents l'emmènent avec eux et qu'il découvre l'histoire d'une malédiction, il part à la rencontre de l'Ogre qui, raconte-t-on, en échange de briser sa malédiction, ramènerait la magie sur ses terrains d’antan.
Il découvre alors un domaine enchanté ceint des couleurs et des fruits d'un perpétuel automne. Tout ce qu'il a toujours désiré l'entoure, et plus encore, comme le démontre la relation entre le jeune homme et son mystérieux hôte... Cependant, des personnages issus du passé de l'Ogre pourraient bien consolider les interdits, et empêcher l'ami des animaux à trouver le bonheur ainsi que sa place.
Juste avant que les derniers feux du jour ne s'éteignent, profitant des dernières minutes de chaleur, des colibris voletèrent jusqu'au jeune homme pour lui souhaiter la bienvenue. Celui aux yeux gris perle savait, tout au fond de lui-même, que tel était le sens de sa vie : qu'il soit une princesse endormie ou un être d'essence féérique, il était fait pour les rêves et la contemplation. Il ne chérissait rien d'autre que cela, les contes et son lien avec la nature ; la magie. Il avait toujours eu la certitude que cette dernière avait existé et existait sans doute aujourd'hui encore, ailleurs. Et s'il avait dû quitter sa famille pour guérir d'une malédiction un Ogre impassible et solitaire pour qu'elle renaisse, cette quête l'enthousiasmait à son comble. D'ailleurs il se trouvait chanceux : qui pouvait vivre son fantasme le plus précieux si intensément que lui depuis qu'il avait pénétré sur ce territoire enchanté ? Il tendit sa main et l'un des oiseaux-mouches se posa sur son doigt, se laissant caresser. Puis il fut l'heure de descendre pour rejoindre la salle-à-manger, là où la Bête l'attendait.
Il passa ses doigts sur le cadre ; une forte magie imprégnait l'objet, le faisant crépiter. Puis l'image se métamorphosa. Une forêt, une fin de soirée d'été. Un autre moi de Sire y évoluait en compagnie d'une femme lumineuse. Complices, les voilà se régalant de mûres qu'ils cueillaient, colorant leurs mains et leurs bouches du jus sucré. Un orage s'annonce. Ils courent soudain à travers les frondaisons, à la recherche d'un abri, sans que le rire ne les quitte. Jusqu'à ce qu'ils abordent une curieuse maisonnée. Isolée dans ce milieu forestier, sa constitution détonne. En effet, ses murs, son toit, ses volets, sa porte, ainsi que son allée, son extérieur : absolument tout se révèle sucreries et pâtisseries. Il est saisi d'un mauvais pressentiment, mais sa compagne l'enjoint et le presse à entrer, piquée de curiosité, et il la suit. Sire s'arrache de cette vision, entêté de ces gourmandises empoisonnées au malheur, il a deviné la suite, plus qu'il ne s'en souvient réellement. Mais cela suffit. Il refuse d'assister à cela. Furieux, il tourne le dos au miroir (…)
― (…) un monde désenchanté m'est insupportable à vivre.
― Tu n'es pas uniquement un être de ténèbres (...). La flamme noire possède elle-aussi sa lumière, ne l'oublie jamais.
― Le vie est perpétuelle métamorphose, à l'image de la mémoire qui varie, qui veut oublier parfois pour déverrouiller ainsi de nouvelles facettes.
La vision des fantômes de la mare ensanglantée des souterrains s'imposa à Sire qui frémit : cela remontait à l'époque de sa passion pour le Sombre Faë (...) En ce temps-là, il aurait tout fait pour la créature d'essence féérique, car il était un jeune homme pétri de rêves et que cet être l'avait envoûté, au point qu'il ne prenne pas la fuite face à l'horreur et l'effroi que lui instillait sa froide nature. Il s'était laissé capturer par sa beauté onirique, par son improbable chevelure ténébreuse qui frôlait ses pieds nus, par sa silhouette longiligne, par son teint de givre, par l'éclat sanguin de sa bouche, et par son regard. Son regard qui semblait voir l'addition de plusieurs âges, de plusieurs mondes à la fois, des prunelles gris glace plutôt que gris perle qui le faisaient frémir d'angoisse et de tourments, qui le faisaient vibrer de désir. Charmé, envoûté, par cette Fée mâle maléfique psychopompe, celui aux yeux changeants avait dérivé dans d'exquis et tourmenteurs océans, ses seules attentes n'avaient plus été qu'un attouchement, qu'une parole de ce dangereux compagnon dont la présence suffisait à pomper ses flux et vitaux et psychiques. L'Ogre n'étant point un homme comme les autres, sa servitude magnifiée aurait pu durer encore plusieurs saisons. Son esprit était déjà morcelé : le fait de ce flegmatique prédateur pour le garder auprès de lui ? Il lui avait tant pris... (...)
Au creux d'une clairière, ils assistèrent aux joutes de deux Licornes dont le pelage noir encre étincelait sous les lueurs astrales nocturnes ; leurs cornes s'entrechoquaient sans merci, faisant trembler l'enfant de l'hiver.
― L'autre nous fascine... Et lorsque nous aimons, nous sommes vulnérables, nous sommes moins sur nos gardes. C'est une faiblesse que d'éprouver la passion amoureuse !
Et dans son timbre, les trémolos de la rage et du désespoir d'une autre époque se faisaient encore entendre.
Le jeune homme (...) découvrit le prédateur psychopompe dans toute sa froide, vénéneuse, envoûtante bien que quasi-insoutenable, beauté. Il portait une robe faite à partir des corolles rouge sang, ses cheveux défaits cascadaient sur son corps, frôlant ses pieds cyanosés et squelettiques ; il ressemblait à un cadavre, son teint de givre était marbré par le gel duquel il demeurait pourtant insensible, ses joues étaient creusées, ses os saillaient par endroit. Cependant tout cela ne retirait rien à sa dangerosité. Ni à sa magnificence, à ses maléfices.
Pour terminer cet article, une pensée à cette insolite compagne que j'ai recueillie durant une semaine et avec laquelle j'ai écrit quelques pages de ce projet ❤
Mots clefs
magie - jardin - automne - bestiaire fantastique - contes - Faërie - vampirisme - malédiction - animaux - nature - conte - différence - licorne - hivermes