Patrick K. Dewdney, L'Enfant de Poussière - tome 1 du Cycle de Syffe, Éditions Au Diable Vauvert, mai 2018

Publié le par Maude Elyther

illustration de couverture par Fanny Fa

illustration de couverture par Fanny Fa

4ème de couverture

La mort du roi et l’éclatement politique qui s’ensuit plongent les primeautés de Brune dans le chaos. Orphelin des rues qui ignore tout de ses origines, Syffe grandit à Corne-Brune, une ville isolée sur la frontière sauvage. Là, il survit librement de rapines et de corvées, jusqu’au jour où il est contraint d’entrer au service du seigneur local. Tour à tour serviteur, espion, apprenti d’un maître-chirurgien, son existence bascule lorsqu’il se voit accusé d’un meurtre. En fuite, il épouse le destin rude d’un enfant-soldat.

Né en Angleterre en 1984, Patrick K. Dewdney vit dans le Limousin depuis l’enfance. Après avoir publié poésie et roman noir, il a reçu le prix Virilo 2017 pour Écume (La Manufacture de livres). Projet d’une vie, L’Enfant de poussière ouvre la grande saga de fantasy historique de Syffe.

Avant-propos

Cela fait environ un an que j'ai découvert Patrick K. Dewdney. Si je l'ai connu par le biais de la couverture de son roman L'Enfant de Poussière, j'ai en premier lieux lu Crocs, un roman noir de 2015 m'ayant énormément parlé (je lui ai consacré une chronique).

J'avais emmené avec moi ce premier tome du Cycle de Syffe lors d'un séjour en Bretagne en novembre dernier, lui consacrant une séance de lecture mémorable au Jardin des Plantes de Nantes. Je l'ai terminé un peu plus tard, totalement subjuguée une fois de plus par la plume et l'univers de l'auteur qui instaure ici une passionnante fantasy naturaliste à la philosophie humanisteÀ nouveau, j'ai tardé à me mettre à la rédaction d'un article, mais le voilà aujourd'hui !

Mots clefs

saga - fantasy - fantasy naturaliste - high fantasy - enfant - politique - apprentissage - rite d'initiation - amitié - combats - nature - orphelin - espion - apprenti - enfant-soldat - guerre - sauvage - tome 1 - philosophie - meurtre

— Dis Brindille, tu crois aux stryges, toi ?
Brindille se redressa et s'empara de ma main, jouant d'abord avec mes doigts qu'elle emprisonna ensuite entre les siens. Elle leva enfin la tête, plongea ses yeux gris dans les miens, puis finit par esquisser un sourire tout simple :
— Oui j'y crois.
Je hochai imperceptiblement la tête, prisonnier de son murmure, la bouche plissée par le sérieux :
— Moi aussi.
Nous restâmes ainsi quelques temps, les yeux dans les yeux, la main dans la main. Puis le vent se remit à souffler, amenant avec lui toute la fraîcheur des montagnes. Brindille se serra de nouveau contre moi, et nos mèches noires s'emmêlèrent dans le vent. Ses cheveux sentaient le foin et le sucre. Nos regards silencieux se perdirent dans le lointain, s'y perdaient encore quand la nuit finit par tomber. Nous reprîmes le chemin vers la ferme Tarron et le bol de raves qui nous y attendait, sans avoir rompu le silence. Je crois que ce soir-là, rien n'aurait pu arracher nos deux paumes l'une à l'autre.

Patrick K. Dewdney, L'Enfant de Poussière - tome 1 du Cycle de Syffe, Éditions Au Diable Vauvert, mai 2018

Au commencement

L'Enfant de Poussière se classe dans le genre de la fantasy, cependant, ne vous attendez pas à y croiser Dragons ou magiciens (ou du moins pas ce premier tome de la saga). En effet, l'univers présenté ici s'articule davantage sur un modèle médiéval tant sur le fond que sur la forme : primeautés (royaumes), organisation, classes sociales (nobles, paysans… ) etc. Cet univers foisonne de détails : descriptions (villes, paysages), mœurs des différentes ethnies humaines, politique, historique. Le récit s'ouvre à Corne-Brune, ville aux abords de la frontière sauvage qui confronte plusieurs peuples. Syffe passe la plupart de ses journées auprès de ses amis, trois autres orphelins confiés à la veuve Tarron. À huit ans, sa vie semble insouciante encore, même s'il doit trimer pour gagner quelques piécettes et pouvoir s'acheter de la nourriture supplémentaire. Le garçon est plutôt heureux, surtout avec la présence de Brindille. Il souhaite se démarquer des autres pour qu'elle le remarque, et c'est suite à cela qu'il va se retrouver dans le pétrin. N'ayant pas les moyens, Syffe vole pour faire un cadeau à son amie ; cette action soldera le délitement de l'insouciance. Repéré, il va croiser la Première Lame Hesse (capitaine des soldats) qui traîne la sombre réputation de tueur d'enfants… Pour autant, Syffe va se retrouver embarquer dans une mission, ce qui commencera à l'éloigner de ses amis orphelins. Et l'entraînera sur de dangereuses voies…

Je sursautai brusquement, arraché à mes fantasmagories. Devant moi, le fleuve s'écartait du chemin pour décrire un coude marécageux duquel émergeait - entre les joncs - la silhouette dépenaillée d'un vieux saule malade. Mon regard rêveur avait réussi à transformer le tronc en un monstre menaçant, un esprit dévoreur de la rivière. Soulagé et tremblant j'approchai respectueusement l'ancêtre pour effleurer son écorce craquelée. À la façon d'une pleureuse, l'arbre semblait étendre de longs bras endeuillés au-dessus de l'eau. Dans ses ramures, les piquerons bourdonnaient. L'onde clapotait sereinement autour des racines immergées, enflées et tordues comme de luisants serpents d'eau.
C'est alors que je vis mon premier cadavre.

Patrick K. Dewdney, L'Enfant de Poussière - tome 1 du Cycle de Syffe, Éditions Au Diable Vauvert, mai 2018

Caméléon

Le Cycle de Syffe rapporte l'histoire selon le point de vue de Syffe, qui a huit ans au commencement du premier tome. Pour autant, l'auteur a judicieusement choisi la narration selon l'alter ego plus âgé de son personnage, aussi le récit confronte des apports de connaissances qui manquaient au narrateur lors de certains moments de ses aventures. Le garçon fait néanmoins preuve de jugeote et montre déjà un raisonnement bien éclairé. Car il va être précocement plongé dans différents rôles, dans différentes situations… tout cela selon plusieurs apprentissages et troubles rebondissements qui le mènent directement à l'adulte. Je ne vous donne pas trop de détails, mais Syffe va passer d'espion à apprenti auprès du médecin de l'épouse du roi, de condamné à mort à enfant-soldat. Son existence, à l'image de l'univers créé par Patrick K. Dewdney, est dure, sombre. Au sein de ce panorama, Syffe insuffle une surprenante résilience face aux coups bas, aux trahisons, aux révélations, aux morts aussi. Le garçon est très attachant : curieux, il apprend auprès de tout le monde, il se montre également serviable, courageux, loyal. Bien que consciente, de par la narration, qu'il n'allait pas mourir, j'ai plusieurs fois retenu mon souffle pour lui, crispée, d'autant plus qu'à chaque fois qu'il se relève, c'est pour tomber plus bas encore.

Lui qui ignore tout ce ses origines, excepté qu'il est teinté (métisse) - d'ailleurs son prénom est celui du peuple dont il est issu -, Syffe va connaître des exemples paternels auprès de plusieurs mentors. Tout au long du récit de ce premier tome, il va acquérir des compétences (en médecine, en botanique, en philosophie, au combat… ), développant sa propre façon de penser. Syffe est un personnage caméléon qui côtoie divers milieux, divers individus qui forment le patchwork hétéroclite du riche univers que propose le Cycle de Syffe. Le narrateur vivote ainsi d'un statut à l'autre. Méfiant, cela n'empêchera pas qu'il soit manipulé, trahi. La peine et l'impuissance le conduiront à des actions placées sous l'égide de l'émotion, qui n'iront pas en sa faveur, d'autant plus qu'il est teinté. À travers le regard de Syffe, injustice, intolérance/tolérance, horreur et guerre mais aussi un peu de chaleur, des amitiés, des instants hors du temps plus doux s'entremêlent. Toutes ces teintes et textures sont servies par la superbe plume de Patrick K. Dewdney.

J'avais l'impression que Hesse voyait Corne-Brune comme une sorte de mécanisme un peu complexe, au sein duquel il faisait à la fois office de rouage et de graisse. Son métier consistait à s'assurer du bon fonctionnement de la mécanique et à cliqueter dans le sens que ses serments lui dictaient. Il avait parfois le tempérament mélancolique et je ne crois pas qu'il ait souvent été heureux, mais d'une manière un peu doloriste il mes semble que c'est ainsi que les choses lui convenaient.

Patrick K. Dewdney, L'Enfant de Poussière - tome 1 du Cycle de Syffe, Éditions Au Diable Vauvert, mai 2018

L'Art de raconter

J'avais déjà souligné la qualité de la plume de Patrick K. Dewdney avec ma chronique consacrée à Crocs. L'Enfant de Poussière est le deuxième roman que j'ai lu de cet auteur, et je peux vous affirmer que son talent confirme mon sentiment premier. Ceux qui me suivent connaissent mon amour pour les textes de Vincent Tassy (si vous ne connaissez (toujours) pas, allez donc jeter un œil à Comment le dire à la nuit), et bien, depuis Crocs, Patrick K. Dewdney a rejoint ma liste d'auteurs chouchous. Pour en revenir à son écriture, ici l'auteur jongle comme un poisson dans l'eau entre les émotions, les descriptions, l'Histoire, les combats, le côté naturaliste… Tous ces registres s'articulent admirablement dans une cohérence et une richesse grandeur nature. Projet d'une vie, la saga Le Cycle de Syffe va même au-delà de la construction d'un univers de fantasy médiévale puisque thématiques modernes et philosophie humaniste y sont distillées.

Une fois de plus, j'aurais été capable de recopier des pages entières de ce nouveau roman… ! Si écrire la nature connaît Patrick K. Dewdney, il affine ici son travail sur l'identité humaine, à travers les mœurs de différents peuples, la philosophie, la notion de religion, les relations (amis, figures paternelles, mentors… ), mais aussi le rapport à la Nature (qui met à l'épreuve les hommes). Le fil rouge suit l'apprentissage de Syffe vers l'âge adulte, notamment par son cheminement intellectuel nourri de tous ceux et tout ce qu'il rencontre. D'orphelin, il va apprendre à lire, écrire, soigner et reconnaître les plantes, se battre, tuer… Ce bouillon dans lequel il n'a de choix que de tourbillonner pour sa survie l'éloigne de l'enfant, l'amenant à forger sa propre pensée, à s'adapter coûte que coûte. L'écriture de Patrick K. Dewdney aborde tout cela avec une force de vie époustouflante. J'ai immédiatement été propulsée dans cet univers dont la projection touche à tous les sens. Ce monde créé ressemble au nôtre, ce qui fait d'autant plus ressortir la volonté de l'auteur à évoquer une philosophie humaniste.

L'univers du Cycle de Syffe est dense, détaillé, sans que cela ne soit pompeux ou trop exigeant : Patrick K. Dewdney réussit brillamment la construction de ce monde, l'imbrication de divers personnages, le tout avec un fond de politique et de philosophie, sans perdre une seule seconde son lecteur. La narration est parfaitement équilibrée entre les descriptions, les sentiments et les scènes de combat. Notre esprit est maintenu en éveil et notre immersion, totale. La plume de l'auteur représente indéniablement un coup de cœur de moi : précise, poétique, elle touche au plus juste et excelle dans tous les exercices.

La yourte de Frise, dans laquelle nous nous retirions le plus souvent pour nous garder du froid, était petite, mais chaude et confortable. Il y régnait une odeur prégnante et agréable de graisse rance et de cuir. L'armature de bois flotté était intégralement décorée de gravures effilochées. Il était littéralement impossible de s'y déplacer sans courber la tête, tant l'endroit regorgeait de trésors suspendus, des charmes d'os, de bois ou de chitine, des ouvrages merveilleux, des breloques et des souvenirs oubliés qui cliquetaient et tintaient doucement au gré des courants d'air. C'était comme si, au moindre mouvement, la yourte tout entière enflait pour respirer d'un souffle musical. Dans cet univers bercé de sons étranges, les histoires du vieux Frise prenaient pour moi une consistance presque physique. Je ne tardai pas à découvrir que les bonheurs et les tragédies de sa vie passée, et l'aisance et le recul avec lesquelles il les narrait, me distrayaient suffisamment pour que je puisse amorcer mes propres deuils.

Patrick K. Dewdney, L'Enfant de Poussière - tome 1 du Cycle de Syffe, Éditions Au Diable Vauvert, mai 2018

Et la fantasy dans tout ça ?

Je l'ai dit, L'Enfant de Poussière ne présente pas un bestiaire fantastique, la magie n'est pas à l'ordre du jour dans cette saga. Cependant, s'il s'agit de ce fait de hard fantasy [un sous-genre désignant l'absence ou la présence limitée de magie et de créatures féeriques, au profit de d'une géographie et de cultures alternatives * ], ce premier tome titille malgré tout un soupçon de surnaturel. Là encore l'équilibre de l'écriture s'avère affreusement millimétré : Patrick K. Dewdney dissémine ce pollen fantastique via des légendes (les Feuillus, les Stryges) et autres anecdotes (les ogres vus par Uldrick) mais aussi par le biais de la pente onirique (mention spéciale aux rêves de Syffe tant sur cet univers aux ramifications semblables à une toile d'araignée cosmique que sur l'écriture). Ce sont de petites touches qui sont posées ici, mais suffisamment pour qu'elles nous restent dans un coin de l'esprit avec l'assurance que l'auteur y reviendra dans les prochains tomes.

Un autre versant de la fantasy marque également : les scènes de combat. Le chaos, le sang et la boue. Ces passages sont réalistes (personne ne tranche la tête d'un adversaire d'un coup d'épée), oppressants et gluants, offrant toute la dimension d'horreur qui y est rattachée. Syffe inaugure son baptême de sang parmi les mercenaires Var, guerriers philosophes dont il a appris les valeurs et les mœurs par le biais d'un apprentissage, avant tout intellect, musclé. Le garçon à présent adolescent devient homme dans la dernière partie du roman. Pourtant, il va se retrouver à nouveau, à nouveau orphelin et… la chute est digne des péripéties de Syffe, alors que le lecteur pensait que tout lui était déjà arrivé, qu'il ne pouvait pas connaître pire que tout ce qu'il a traversé jusqu'ici.

L'Enfant de poussière

Après la poussière de l'été de l'insouciance, la poussière des charniers de guerre à ciel ouvert et celle de son avenir immédiat. La poussière caractérise bien selon moi l'évolution de Syffe : elle est composée de fragments de peaux humaines (de mues en quelque sorte), d'organismes végétaux et animaux, de décomposition… tout comme Syffe est composé de superpositions d'identités mimétiques afin de se forger sa propre identité, son unicité.

(…) derrière les pires horreurs que le monde peut contenir, il n'y a ni mal, ni démons, ni mauvais sorts, mais seulement la folie d'hommes désespérés, dont la peur a fait des monstre.

Patrick K. Dewdney, L'Enfant de Poussière - tome 1 du Cycle de Syffe, Éditions Au Diable Vauvert, mai 2018

Après le fond, la forme

L'Enfant de Poussière propose une mise en page soignée : découpé en quatre Livres en introduction desquels Patrick K. Dewdney a incorporé des extraits historiques de textes politiques et philosophiques appartenant au monde du Cycle de Syffe. De plus, l'illustratrice de la somptueuse couverture, Fanny Fa, signe également des illustrations intérieures, dont des cartes qui ponctuent les pérégrinations de Syffe. De ce fait, la géographie est centrée sur chaque partie du roman, ce qui fait que je m'y suis retrouvée plus facilement que si j'avais eu affaire à une carte globale du territoire. Cette lisibilité géographique claire, je me suis attardée sur les détails de chacun des plans, alors que d'ordinaire, dans les autres romans de fantasy que j'ai pu lire, je reviens constamment au cours de ma lecture sur ce document.

Je souligne le travail de Fanny Fa (rien que la couverture avec les arbres qu'elle a réalisé a suffi à ce que je m'intéresse à l'œuvre de Patrick K. Dewdney) qui offre son identité visuelle au Cycle de Syffe. Je vous mets d'ailleurs ci-dessous le lien de son blog, n'hésitez pas à y faire un tour !

Pour conclure

J'ai essayé de ne pas trop entrer dans les détails pour vous parler de ce premier tome qui inaugure une passionnante saga. La richesse de cette œuvre, aussi bien sur le fond que la forme, propulse indéniablement Patrick K. Dewdney dans la sphère des auteurs à suivre, qu'on se le dise ! J'avais déjà été subjuguée par Crocs, à travers sa maturité et son intellect, ici la magie opère à nouveau, agrandissant mon coup de cœur pour l'univers et la plume de ce jeune auteur. Entamant Le Cycle de Syffe, projet de toute une vie, ce premier tome crie déjà à l'immanquable découverte dans la littérature de l'imaginaire, et pas que : je suis persuadée que cette saga à toutes les flèches à son arc pour toucher un lectorat plus large que les initiés de fantasy. En effet, Patrick K. Dewdney propose une série diversifiée qui vogue sur différents flots tels que l'aventure, la politique, les combats, l'apprentissage initiatique, la philosophie humaniste, l'amitié, la résilience, avec une touche de surnaturel… Car L'Enfant de Poussière parle avant tout de l'humain, sa construction, son apprentissage constant quelles que soient les étapes de sa vie, tout comme de sa rudesse parfois, de ses préjugés : l'homme n'est ni totalement bon ni totalement mauvais, mais perpétuellement insatisfait (de sa condition, de sa place… ) et hargneux dans sa survie.

Patrick K. Dewdney signe le premier opus d'une passionnante saga de hard fantasy, une fantasy naturaliste faisant la part belle à une philosophie humaniste. De sa superbe plume poétique et précise, il construit tout en savant équilibre son univers éminemment cohérent et vivant. Tout y est : les émotions, les descriptions, les combats, pour une immersion immédiate et complète qui vous fera retenir votre souffle, qui vous nouera l'estomac et vous oppressera, tout en distillant par touches un peu de chaleur malgré le caractère impitoyable et noir inhérent à ce monde. Le point fort de cette œuvre demeure en sa ressemblance avec notre monde et distille intelligemment des valeurs fortes modernes (pour le peuple qui a élu domicile à la Cuvette, la femme peut être guerrière tout comme l'homme peut s'occuper des enfants sans que cela ne détonne ; le racisme est également traité, notamment avec les teintés ; l'importance de construire sa propre façon de penser etc).

Un univers rude, impitoyable, dans lequel Syffe va suivre différents apprentissages par le biais de mentors successifs ou face à la vie en général (trahison, perte… ). La narration selon le point de vue d'un alter ego du personnage plus âgé ajoute à l'immersion du lecteur grâce aux informations supplémentaires insérées au récit à la première personne. Le Cycle de Syffe se construit comme les mémoires de Syffe. Si son monde évolue en chaos (surtout à cause du déclenchement d'une guerre), lui mue vers l'adulte, vers l'unicité qui ne cesse de se dessiner selon les innombrables pièces de son patchwork de vie.

Vous l'aurez compris, je vous encourage fortement à découvrir le travail de ce jeune auteur prolifique et engagé qui touche à tout : roman noir, poésie, saga de fantasy selon une philosophie humaniste qui n'a pas peur de parler du renoncement, du néant, de l'éphémère, de la société et j'en passe ; la dimension humaine dans son âpreté.

« (...) Quant aux fées et aux ogres, eh bien je n'ai jamais vu de fées, et je ne sais même pas si elles existent. Mais les Igériens troquent parfois avec les ogres dans les contreforts des monts Cornus. J'y suis allé une fois dans ma jeunesse pour les voir et j'en ai vu trois. Alors tu vois, yungling. Les caves et les idiots ne sont pas toujours ceux que l'on pense. » Allongé dans la nuit, ces quelques mots fouettèrent mon imagination, jusqu'à ce qu'elle en déborde de mille formes monstrueuses, et l'irritation que je ressentais à cause de la pluie et de la méfiance et des mœurs incompréhensibles des Vars s'envola brusquement. Je lâchai promptement la philosophie au bénéfice des ogres et, tout excité, je me redressai sur un coude.
« T'en a vu trois, sans rire ? Tu leur as parlé ? Ils étaient comment ? Tu mens pas, ça existe vraiment ? » lâchai-je en rafales successives. J'entendis Uldrick glousser sous sa couverture, manifestement amusé par la rapidité avec laquelle il avait réussi à changer de sujet. « Vesukke, ça existe », répondit-il. « Mais il n'y en plus beaucoup maintenant. Ils se sont retranchés dans les montagnes depuis très, très longtemps. Ils sont grands comme deux hommes, et encore plus épais, avec des visages très marqués, très creusés. Je les ai trouvé… tristes. » Le guerrier marqua une pause, et je l'entendis se gratter pensivement la barbe, puis il reprit d'une voix hésitante. « Ils avaient un certain regard, avec des yeux noirs tu vois, et ils parlaient lentement, et… c'est difficile à expliquer comme ça, mais je les ai trouvés si tristes que juste de les regarder ça me rendait triste, moi aussi. C'était comme… comme d'être face à quelque chose de très fort qui se laisse mourir de chagrin. Je n'y suis jamais retournée. »

Patrick K. Dewdney, L'Enfant de Poussière - tome 1 du Cycle de Syffe, Éditions Au Diable Vauvert, mai 2018

La suite

Le tome 2, La Peste et la Vigne, de la saga de Patrick K. Dewdney est disponible :

Patrick K. Dewdney, L'Enfant de Poussière - tome 1 du Cycle de Syffe, Éditions Au Diable Vauvert, mai 2018

En attendant la suite…

Par ailleurs, d'ici la parution du tome 3, n'hésitez pas à découvrir d'autres œuvres de Patrick K. Dewdney :

Récompenses :

Les textes de Patrick K. Dewdney ont été salué par plusieurs Prix :

Écume :

Prix Virilo 2017

* L'Enfant de Poussière :

Prix Pépite du Roman 2018

Prix Julia Verlanger 2018

Prix Imaginaire de la 25e Heure du Livre de Mans 2018

Actuellement en lisse pour le Prix des Imaginales 2019 dans la catégorie roman francophone (avec le tome 2, La Peste et la Vigne)

Le mot de la fin

J'espère que cette nouvelle chronique aura aiguisé votre curiosité pour L'Enfant de Poussière, et vous donnera l'envie de découvrir le travail de cet auteur.

Notez que Patrick K. Dewdney sera présent à Trolls et Légendes (Mons, Belgique) ce week-end (20 et 21 avril), une occasion en or pour le rencontrer puisqu'il est rarement présent dans le Nord !

Publié dans chronique personnelle

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