Morgan of Glencoe, La dernière Geste - Premier chant : Dans l'ombre de Paris, Éditions ActuSF, collection Naos, septembre 2019
illustration de couverture par Benjamin "Zariel" Chaignon
4ème de couverture
"Depuis des siècles, les humains traitent les fées, dont ils redoutent les pouvoirs, comme des animaux dangereux.
Lorsque la princesse Yuri reçoit une lettre de son père lui enjoignant de quitter le Japon pour le rejoindre, elle s'empresse d'obéir. Mais à son arrivée, elle découvre avec stupeur qu'elle a été promise à l'héritier du trône de France ! Dès lors, sa vie semble toute tracée... jusqu'à ce qu'une femme lui propose un choix : rester et devenir ce que la société attend d'elle ou partir avec cette seule promesse : « on vous trouvera, et on vous aidera. »
Et si ce « on » était la dernière personne que Yuri pouvait imaginer ?"
Morgan of Glencoe est barde, c'est sans doute la raison pour laquelle elle raconte si bien les fées. Avec Dans l'Ombre de Paris, elle crée un incroyable univers où les royautés françaises et japonaises ont su se maintenir sur un terreau d'injustices.
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"Depuis des siècles, les humains traitent les fées, dont ils redoutent les pouvoirs, comme des animaux dangereux. Lorsque la princesse Yuri reçoit une lettre de son père lui enjoignant de quitt...
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Avant propos
Tout d'abord, je remercie chaleureusement Jérôme et les Éditions ActuSF de m'avoir fait parvenir le service presse du premier tome de La dernière geste ! Une lecture riche, à l'univers fouillé, aux personnages oh combien attachants, à la musicalité et à la poésie prégnantes, aux fées telles vous ne les pensez peut-être pas... Bref je vous annonce d'ores et déjà que je vous encourage vivement à découvrir cet opus écrit de la main d'une barde en plus ! À lire absolument !
Mots clefs
young adult - uchronie - fantasy - steampunk - fées - animaux - amitié - famille - liberté - ouverture d'esprit - tolérance - droits des femmes - barde - homosexualité - genre - vivre ensemble
illustration de couverture par Laurent Miny, pour la version autoéditée, alors intitulée "Si loin du soleil"
Uchronie féerique
Dans ce monde légèrement remodelé par rapport au nôtre, nous sommes en 1995 et la monarchie siège toujours. Trois Empires ont érigé une Triade : la France, l'Empire Ottoman et le Japon. Dès le prologue, nous suivons les pas de la princesse Yuri, troisième dame du monde. Japonaise, elle ne démontre pas moins certains détails démontrant son métissage. Pour autant, nous n'en apprendrons que plus tard sur sa mère dont elle-même ignore tout. Jeune adolescente dans les premières pages, elle se trouve confrontée aux animaux, autrement dit aux fées. Il s'agit ici d'un duel entre une Selkie (phoque) et un Aeling (oiseau). Intriguée, elle demande à voir celle ayant remporté le combat. Dans les coulisses, elle va approcher la Selkie, dans une scène tendre avec son petit frère. Éduquée à ne pas faire montre d'empathie, d'évoluer selon des modèles pré-établis, Yuri va cependant être profondément marquée par cette rencontre. L'on voit déjà sa sensibilité et son intelligence.
Avant de partir, ils prirent le temps de regarder une dernière fois autour d'eux. Le ciel, constellé d'étoiles scintillantes, couronné d'une pleine Lune, éclairait d'une pâleur argentée le ressac paisible. La marée montait le long de ces rochers qu'elle avait polis au long de patients millénaires de labeur. Au-delà, la forêt, vivante et faussement immobile, bruissait sous la brise nocturne. Elle paraissait obscure, inquiétante à qui ne la connaissait pas, mais elle était leur foyer, et le creux de ces arbres vénérables était leur refuge. Ils se tenaient là, enfants sauvages de ces nuits immortelles, comme s'ils devaient y demeurer toujours, à la malléable frontière de la terre et de la mer, des brumes et des vents, du monde et du temps.
Roman choral
La suite du récit s'enchaîne dix ans plus tard, alors que Yuri se rend en France, dépêchée par une simple lettre de son père dont la neutralité la laisse perplexe. Elle ne découvre rien à lire entre les lignes, ce qui la surprend des habitudes de son père, le Monarque Blanc, d'autant plus que cela fait des années qu'il s'est établi en France, la laissant au Japon. C'est ainsi que nous faisons la connaissance des Fourmis du Rail, ce train immense qui ne souffre d'aucune législation et qui abrite en son sein des fées comme des humains. Nous découvrons ainsi de nouveaux personnages et ce ne seront pas les derniers puisque l'auteure nous propose un roman choral : nous passerons par le point de vue de plusieurs protagonistes. Les Fourmis sont dirigées par une femme capitaine indépendante. Sur le Rail, aucune discrimination n'est permise : les fées sont ici l'égal des hommes ; ce qui est détonnant par rapport à la mentalité établie sur ces créatures considérées comme des animaux.
Elle s'arrêta, s'efforçant de rationaliser la situation dans laquelle elle se débattait. Son cerveau bouillonnait d'informations totalement folles et contradictoires. Elle avait failli être assassinée deux fois en trois semaines, et deux fois elle avait été sauvée par des fées. Elle avait été entraînée de force dans des égouts - des égouts ! - pour y découvrir un endroit où les fomoires, les fées et les humains vivaient ensemble comme êtres égaux, et où serrer la main à une naine semblait la chose la plus naturelle au monde.
Prison dorée & monde extérieur
Je ne vous en dis pas beaucoup plus, mais bien évidemment Yuri va croiser le chemin de quelques fées, puisqu'elle fait le trajet jusqu'à la France à bord de l'un des trains du Rail. Accompagnée de son garde du corps et de la subalterne de celui-ci, une hybride, la princesse manque pour autant de se faire assassiner, une nouvelle fois. Car sa haute place dans la société mondiale ne se révèle pas sans danger, entre jalousie et/ou complot de la noblesse. Accueillie en grandes pompes, elle comprend d'emblée la raison de l'ordre de son père : la voilà fiancée au Prince de France, destinée à devenir Reine. Sa rencontre avec la Reine actuelle l'éclairera sur sa propre mère et fera écho à ce souffle en elle, celui de la liberté... Future Reine, Yuri n'en est pas moins une femme, éduquée à être inférieure aux hommes, utilisée pour une alliance, entretenue comme un bibelot. Alors qu'elle a toujours vécu entre des murs dorés, à cultiver l'art de l'apparence et du contrôle de soi, elle s'interroge sur ce que recèle le monde extérieur...
Elle posa sur lui une oreille papillon. Il hocha la tête. Ils savaient tous deux que le moment de changer venait. Non pas qu'ils doivent se séparer, simplement revenir à autre chose. Elle l'embrassa.
Et s'effaça.
Vivre ensemble & héritage
Des sous-sols d'une arène, au château royale de France, Morgan of Glencoe nous entraîne dans les souterrains de Paris, dans le quotidien sur le Rail, ou encore au cœur de la nature écossaise : contrebande, liberté, utopie et royauté tissent des fils narratifs résonnant de la complexité humaine. Sur une trame intelligente et réflexive, l'auteure met en avant et interroge sur la discrimination, l'émancipation féminine, la notion de famille mais aussi du genre et de la liberté. Cette uchronie aux touches japonisantes se montre particulièrement colorée : que ce soit le traitement des fées (pour leur donner vie, Morgan s'est inspirée de plusieurs légendes), l'univers des Rats empli de bienveillance, l'évocation de la Nature et les passages tout en musicalité et poésie autour de Bran et du Barde, le rêve merveilleux de William... Dans tout cela, Yuri occupe une place centrale : forte des expériences acquises au cours de ce premier tome, la voilà déterminée à penser par elle-même. Plus que tout : entre ses mains, elle tient un précieux héritage.
Lorsqu'il découvrit le lac, Ren sourit.
—C'est aussi beau qu'à travers tes yeux, murmura-t-il.
Elle se rapprocha de lui, enfouit son nez au creux du cou argenté et émit un délicieux petit bruit de phoque heureux. Il referma ses bras autour d'elle, humant l'odeur de sel de ses cheveux, goûtant leur douceur sous ses doigts. Ils s'offrirent un long moment pour s'imprégner de la présence de l'autre avant de se rapprocher de la rive. Ren voulut s'arrêter au bord de l'eau, mais Bran l'entraîna : sous ses pieds se cristallisait à mesure un chemin de glace qui scintillait doucement à la lueur mourante des dernières lampes. (...)le jeune médecin ne put se retenir de la serrer à nouveau contre lui tandis qu'ils demeuraient là, comme suspendus au-dessus de l'eau noire constellée de nymphéas endormis.
Germes du futur
J'aimerais vous parler davantage des personnages, des intrigues, mais ce serait vous gâcher votre lecture ! Sachez encore que les personnages sont attachants, humains et sensibles ; ils délivrent de merveilleux messages (la famille, l'homosexualité, la notion du genre, la bienveillance, la sensibilité...). Je me doutait pertinemment de la tournure que ne pouvait que prendre la conclusion de ce premier tome, pourtant... quel déchirement ! J'ai eu la gorge serrée, ne pouvant que suivre avec effroi l'arrachement du cocon tissé de lumières. Estampillé young adult, cette toute récente sortie dans la collection Naos affirme à nouveau son parti pris de proposer des ouvrages riches et intelligents à ce public. Bien sûr, les adultes y trouveront aussi leur bonheur ! Les valeurs défendues sont de plus terriblement actuelles et, si elles représentent les germes d'un avenir plus lumineux dans le roman, je souhaite que cette lecture accompagne notre présent pour un futur plus doux.
Oh, the summer time is coming,
And the trees are sweetly blooming,
And the wild mountain thyme
Grows around the purple heather.
Will ye go, lassie, go ?
And we'll all go together,
To pluck wild mountain thyme
All around the purple heather,
We'll ye go, lassie, go ?
"Wild Mountain Thyme" (extrait)
composé en 1957 par M. PcPeake
Scène cachée
Il reste la petite scène bonus (tout à la fin, après les remerciements) que je pensais être un extrait du tome 2 mais qui officie en tant que "scène cachée" (n'est-ce pas, Éloïse ?)... J'ai le sentiment que ce personnage va nous surprendre pour la suite !
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Interview de Morgan of Glencoe
Tout d’abord, présente-toi un peu. Bonjour ! Je m'appelle Morgan of Glencoe , j'ai 28 ans, je viens du pays de Porhoët, en Bretagne, et heu dans la vie, j'écris des romans ...
https://www.focus-litterature.com/8273234/interview-de-morgan-of-glencoe/
Cette interview date un peu, mais est très enrichissante !
En conclusion
J'espère qu'à travers cette chronique vous avez compris mon grand enthousiasme à propos de ce roman !
Je n'ai absolument pas été déçue par cette lecture, c'est même tout le contraire tant il recèle de valeurs faisant écho aux miennes. De plus, il démontre un aspect intelligible qui fait parallèle avec le nôtre et notre actualité.
L'univers, les décors, les personnages, les intrigues, l'écriture... : ce roman est un zéro faute. Je lui souhaite de tout cœur de toucher le plus de lecteurs possibles, la collection young adult ne doit absolument pas freiner le lectorat adulte.
La musicalité du style fait écho à la profession première de Morgan of Glencoe puisqu'elle est barde ! Ainsi je vous laisse sur une note musicale pour clore cette chronique (j'ai choisi un titre à résonance japonaise, se traduisant par "belle neige", pour un petit clin d’œil à Yuri) :
Morgan of Glencoe par Jimmy Nobilet