Morgan of Glencoe, La dernière Geste - Deuxième chant : L'Héritage du Rail, Éditions ActuSF, collection Naos, septembre 2020
4ème de couverture
Alors que la nouvelle se répand en Keltia, Yuri, ramenée de force à l’ambassade du Japon, est déterminée à reprendre sa liberté malgré tout. Mais comment fuir, et où trouver refuge ? Seul le Rail semble désormais capable de lui donner asile...
Après les débuts en fanfare de la série La Dernière Geste de Morgan of Glencoe, romancière et harpiste professionnelle, voici enfin le deuxième tome très attendu des lecteurs et lectrices.
Avant-propos
Je remercie les Jérôme et les Éditions ActuSF pour l’envoi de ce roman en service presse ! Le premier tome de La Dernière Geste avait été pour moi un coup de cœur, une merveilleuse découverte littéraire et artistique.
Ici, je vous propose ma chronique sur le tome 2 de La Dernière Geste, L’Héritage du Rail, aussi, si vous n’avez pas lu le premier tome, Dans l’ombre de Paris, tenez-vous en à ma chronique sur cet opus car je ne peux faire autrement que de mentionner des faits du premier ici.
Dans l'univers de la musique, le monde est petit : j'ai appris que Morgan of Glencoe connaît Criddh-Heart, que j'ai connu lors de mes années collège, et que j'ai eu la surprise de croiser sur un salon sur lequel je dédicaçais !
Mots clefs
young adult – uchronie – fantasy – steampunk – fées – animaux – amitié – famille – liberté – ouverture d'esprit – tolérance – droits des femmes – barde – lgbt+ – genre – vivre ensemble – deuil – héritage
Mon retour
Si Dans l’ombre de Paris avait été à mes yeux une immense réussite à tous les niveaux, la fin m’avait, comme beaucoup, déchirée. Souvenez-vous : le Prince Louis-Philippe prenant d’assaut les Égouts pour sauver Yuri, l’affrontement entre ses soldats et les Fourmis, les morts… Dont celles de Sir Longway et de Bran… Enfin, vous vous doutiez comme moi que cette chère Waterlily n’avait pas dit son dernier mot, n’est-ce pas ?
De son côté, Yuri, retrouve sa prison dorée, sa condition de princesse promue à devenir reine de France. Elle est affectée par la perte de ses amis, de la destruction des Égouts où elle a appris tant de choses à propos de la liberté, de la bienveillance, de l’entraide et plus encore. Plus que jamais, elle ne veut pas du futur qui a été dessiné pour elle. Elle ne veut pas vivre dans le mensonge, les faux-semblants, faire mine d’adopter des valeurs qui ne sont définitivement pas les siennes. Se heurtant à son père, ne pouvant compter sur aucun allier, puisque désormais il lui est impossible d’approcher ou d’échanger par quelque moyen que ce soit avec Gabrielle, le reine, elle ne peut compter que sur elle-même. En cachette, elle échafaude un plan. Pour s’enfuir. Et gagner le Rail, symbole de liberté et de tous les possibles maintenant que les Égouts ne sont plus.
Pendant ce temps, à bord de la 5ème Rame, Ren, le Spectral-Guérisseur, donne de sa personne pour ramener Bran, la Selkie, parmi les vivants. Cette dernière n’en a fait qu’à sa tête et a préféré abdiquer lorsque Sir Longway, son père, a été tué sous ses yeux. Elle ne voulait pas supporter la souffrance de sa perte. Alors que Ren donne de son énergie vitale, au détriment de sa propre santé, Bran quant à elle lutte contre la part d’elle qu’elle refoule, sa part violente et cruelle, Shura.
Yuri arrive à peine au Rail, payant son billet auprès de la capitaine Trente-Chênes, qu’elle découvre que son amie est vivante. Tout à ses émotions, les Fourmis font front à Ryûzaki et Levana, envoyés par Kenzô, qui ont pris en otage leur Capitaine, dans le but de récupérer leur princesse. Mais ils sous-estiment là les Fourmis et finissent au fer dans le train qui sonne en urgence le départ. Prochaine destination : Keltia, terre symbolisant la liberté, n’en déplaise aux monarchies qui considèrent ses habitants et mœurs comme barbares et dégénérés. Keltia incarne également une part des origines de Yuri puisque sa mère était keltienne.
Durant le voyage, nous côtoyons cette fois-ci, après les Rats du premier opus, les Fourmis et nous retrouvons également Pyro et son petit-frère qui ont quitté le refuge des Rats survivants pour rejoindre le Rail. Ce tome fait office de transition : les personnages font leur deuil, renforcent leurs liens, s’affranchissent de leur passé, esquissent plus sûrement leur voie/voix. Morgan of Glencoe s’attarde davantage sur leur psychologie, démontrant à nouveau de son talent pour les personnages complexes et de ce fait tellement humains. Elle dresse une galerie de personnages oh combien réalistes qui semblent si réels ! Certains d’entre eux font preuve de résilience, suivant des étapes cruciales comme le deuil, le pardon. Quand d’autres dévoilent leur véritable visage, comme Gabrielle, sublime, qui se met à dos Louis-Philippe, devenu roi, en portant le deuil de son ami Sir Longway. Plus sombre, Louis-Philippe laisse entrapercevoir une inquiétante facette.
Car si nous suivons essentiellement les occupants du Rail, l’autrice ne tient pas en reste le château : Louis-Philippe, Gabrielle et sa dame de compagnie, Aliénor, Kenzô… Surtout que Sir Longway est mort de la main du nouveau roi alors qu’il était le dépositaire du Rail, chainon imparable des échanges commerciaux entre les pays. Enraciné d’une haine transgénérationnelle pour la Keltia, quelles seront les directives de Louis-Philippe pour cette dernière… ? Et bien sûr, nous retrouvons ce cher et mystérieux Taliesín.
Le voyage de la 5ème Rame vers Keltia est perturbé en cours de route car Alcyone, l'Aeling frère de Ren, a disparu lors d’une patrouille. Ni une ni deux, voilà Yuri, le Spectral-Guérisseur, Bran, ainsi que Ryûzaki (que Shadow, le Chat-Lune attaché à Ren, apprécie) et Levana en route, dans un décor enneigé de Russie, pour le récupérer. Ainsi qu’une autre Fourmi, ayant désobéi à la Capitaine… De cette péripétie, vont découler des passages transitoires pour l’ensemble de ses personnages, des scènes sublimes comme dures, par le biais de rencontres clefs (dont une « retrouvaille ») qui leur permettront de gagner en maturité mais aussi de saisir pleinement leur vie, ce qu’ils attendent d’elle.
Et la Keltia dans tout ça me demandez-vous ? Eh bien, patience… L’autrice en dresse déjà les contours, à travers le testament de Sir Longway. De plus, à travers L’Héritage du Rail, Morgan of Glencoe esquisse de nouveaux personnages, pour des enjeux politiques, des retournements de situation sans doute pour la suite. De plus, Bran est bien décidée à embrasser pleinement son statut de Barde. Quant à Louis-Philippe, il se montre de plus en plus fasciné par la Danse des Dragons, que maîtrise Kimiya Mchezaji, une danseuse venant des déserts, invitée pour son couronnement. Non négligeable également, Ryûzaki apprend ses origines…
J'aimerais vous en dire tellement plus sur ce nouvel opus, tout comme j'aurais aimé le faire pour mon retour sur le premier tome, mais malheureusement se serait là vous gâcher tout le plaisir de la lecture et des découvertes !
De ce fait, je ne peux que vous encourager à vous plonger dans la Dernière Geste de Morgan of Glencoe, pour découvrir un univers riche et vaste, à travers une galerie de personnages fouillés, humains, attachants. Un univers uchronique où les fées symbolisent la liberté, où les bardes fraient avec d'autres dimensions, mêlant de nombreux mythes et inspirations. La plume de l'auteure poursuit sur son phrasé musical, poétique, nous transportant par ses mots pour des moments inoubliables qu'ils soient réconfortants, tout en émotions, à couper le souffle, durs et presque insupportables (je pense au chapitre IX : Isatis). Les décors varient et de nouveaux pointent le bout de leur nez pour le prochain opus, renforçant ma hâte de découvrir le tome 3, Odalie !
En bref : après l’excellent Dans l’ombre de Paris, Morgan of Glencoe nous revient et nous ravie à nouveau. Cette fois-ci, nous allons faire partie des Fourmis, pour un voyage transitionnel menant à Keltia. Entre le deuil et d’autres passages initiatiques disséminés sur le chemin, l’autrice s’intéresse beaucoup à la psychologie des personnages. Déjà fouillés et complexes dans le premier tome, ils vont gagner en maturité pour bâtir leur voie/voix. Par petites touches, elle insère déjà des nouveaux personnages et nouvelles trames pour le 3ème tome. Tout ce qui a fait la richesse du premier opus se retrouve en force, allant plus loin encore. J’ai déjà grande hâte de découvrir ce que Morgan of Glencoe concocte pour la suite… !
Impossible de ne pas l'avoir en tête au cours de ma lecture du 2ème tome, même si j'imagine toujours Sir Longway la chanter...