Florence D. Orlhac, Les Chroniques de Sainte Madeleine, Éditions Octoquill, mai 2021

Publié le par Maude Elyther

Couverture : Sheila Rougé - Ouroboros Design

Couverture : Sheila Rougé - Ouroboros Design

4ème de couverture

Dissimulé par une épaisse forêt et de hautes grilles, loin des villes aux lumières artificielles naissantes, se dresse l’imposant manoir de Sainte Madeleine, hôpital psychiatrique pour riches patients aspirant au calme et à la discrétion.

Mais entre ces murs sombres, vous ne trouverez nul remède ; la solitude et la souffrance s’insinuent dans les esprits fragiles, entrainant les malades aussi bien que le personnel sur les pentes glissantes de la démence.

Au cœur de cette spirale infernale plane l’ombre inquiétante du Directeur. A-t-il orchestré les funestes évènements qui jalonnent les chroniques de Sainte Madeleine ? À moins qu’il ne s’agisse de l’œuvre de la femme aux yeux absinthe qui hante les couloirs, ou du curieux chat passe-muraille qui rôde dans son sillage…

Au fil des neuf histoires qui composent ce récit, les personnages tourmentés se croisent et lient leur destin, à la recherche du seul bien ayant encore de la valeur en ce lieu oublié du monde : l’espoir.

Avant-propos

Si j’avais vu passer sur les réseaux l’existence des Éditions Octoquill, jeune maison d’édition, il aura fallu attendre une invitation à un concours pour que je découvre Les Chroniques de Sainte Madeleine. L’ambiance de la couverture m’a de suite attirée mais je dois avouer que ce sont les premières lignes du synopsis qui m’ont d’emblée conquise. Aussi me suis-je procuré ce premier roman de Florence D. Orlhac.

Au fil de ma lecture, j’ai énormément songé à quelques textes de Vincent Tassy*, de même que beaucoup de thèmes des nouvelles qui composent cet ouvrage me parlent énormément et se retrouvent dans mes écrits. Aussi, je suis plus qu’heureuse de m’être plongée et perdue dans le manoir de Sainte Madeleine, d’autant plus que je suis enchantée de faire la connaissance de Florence à renfort de messages 😊

Mais trêve de blablaterie, je vous livre de ce pas mon retour !

* Iravel, anthologie Maisons Hantées, Ed. Luciférines, 2015 ; Pour oublier les chrysanthèmes, revue La Salamandre n°16, 2012 ; Mademoiselle Edwarda dans l'anthologie Vampire malgré lui, Ed. Du Petit Caveau, 2012

Mots clefs

Recueil de nouvelles – manoir – hôpital psychiatrique – psychiatrie – XIXème siècle – folie – santé mentale – fantastique – enfants de la lune – maladie – doppelgänger – rituel – pacte – métamorphose – nature humaine – internement – horreur – enfermement – oppressant – hallucinations – plantes toxiques – mystères – maladie – angoisse – chat – monstre

Florence D. Orlhac, Les Chroniques de Sainte Madeleine, Éditions Octoquill, mai 2021

Bienvenue à Sainte Madeleine

Entre les murs de ce manoir luxueux reconverti en hôpital psychiatrique, sont accueillis des patients que leur famille cache de la bienséance. Car dans la société hypocrite du XIXème siècle, les personnes différentes n’ont pas leur place. Folie, hystérie, étrange lubie, hallucination : un rien suffit à un diagnostic lourd de conséquence. Et, derrière l’image d’une retraite de santé à la campagne, l’enfermement et l’horreur règnent en réalité. Voilà la sombre réalité de cette époque, où l’on enfermait, testait des traitements expérimentaux/torturait pour extraire le « mal ». C’était plutôt la mort qui guettait les patients. À travers ses Chroniques, Florence D. Orlhac nous livre toutefois une approche fantastique de cet ensemble, oh bien sûr, la mort y plane toujours, mais elle prend diverses apparences.

Niveaux à double jeu

Sainte Madeleine est donc situé à l’écart des villes, en pleine campagne. Il est composé d’un vaste parc, avec son étrange fontaine surplombée d’une espèce de homard, nous retrouvons également un espace de vie au rez-de-chaussée, avec un piano, les cuisines qui gourmande le chat blanc, les bureaux des médecins, les chambres du personnel et celles des patients, les luxueuses comme les véritables cellules, ou encore les effroyables salles « de soins ». D’emblée, le décor se présente tout en contrastes et ce double jeu s’étend à plusieurs niveaux.

Polyphonie pour une immersion très réussie

Si le roman s’articule autour de 9 nouvelles, des liens se tissent, des personnages passent d’un récit à l’autre, dévoilant différentes facettes. L’autrice nous plonge aussi bien dans la tête de patients que d’un médecin ou d’une infirmière. Elle jongle entre le récit à la première personne, jusqu’à l’écriture d’un journal, et celui à la troisième personne, mélangeant parfois les deux au sein d’un même texte. Cette polyphonie nous plonge à merveille au cœur de cet hôpital psychiatrique. Et cela confère une atmosphère à la fois mystérieuse, sombre, oppressante, malaisante mais aussi fantastique et fascinante.

Espoir... piétiné

Car il y a du beau dans les récits de vie, dans les hallucinations : nous entrapercevons le monde à travers les yeux des personnages. La beauté de la nature, de la lune, la chaleur d’un foyer, la liberté d’être soi-même… Mais tout cela est piétiné, enfermé. La différence n’a pas sa place, la folie doit être traitée. Hallucinations comme maladies imaginaires doivent être annihilées, à renfort de bains glacés, de suspension, de traitements tel le laudanum… La bienveillance n’a pas sa place ici, seuls les recours radicaux sont employés, quitte à amadouer dans un premier temps avant la phase brutale.

Menaces

Perversion et mépris coulent dans les veines des soignants, quand bien même certains pensent bien faire. Leur comportement nous glace, et à cela s’ajoute leur conduite envers la gent féminine : « massages » aux patientes, visites nocturnes dans le lit des infirmières…  Et sur tout ce monde, plane l’ombre du Directeur et la présence de la dame aux yeux couleur absinthe.

Leitmotivs phares du genre fantastique

Je ne reviendrai pas sur chacune des nouvelles, mais sachez que les thèmes sont variés : enfant de la lune, dopplegänger, métamorphose, artiste maudit, notion de genre, identité humaine/animale, sorcière, image de la femme, la mort… Autant de leitmotivs fantastiques que Florence reprend pour articuler l’histoire de Sainte Madeleine.

Certains mystères demeurent

Si les nouvelles sont indéniablement estampillées XIXème siècle, il n’y a pas de datation précise. De même que l’autrice ne présente pas une articulation chronologique. Elle nous plonge dans l’ambiguïté de cet hôpital psychiatrique, installant d’un texte à l’autre son ambiance, ses personnages, accentuant à chaque pas l’atmosphère tortueuse et oppressante qui y règne. Les deux dernières nouvelles closent la visite sur les origines de cette Institution, prenant soin de conserver dans ses entrailles certains mystères.

Identité humaine : tortueuse et ambivalente

Florence ne nous prend pas par la main, ne nous donne pas toutes les clefs de Sainte Madeleine et c’est tant mieux ! Chaque récit apporte sa richesse de thématiques comme de références, le tout formant un patchwork dans lequel nous tournons comme dans un labyrinthe. Les amoureux de fantastique ne pourront qu’être comblés. Nous nous égarons dans les couloirs de Sainte Madeleine, cette entité vivante dont nous percevons presque les effluves de souffre… mais alors : sommes-nous nous-aussi patient.e.s de cet hôpital ? L’autrice questionne la représentation de la folie, notre part cachée/notre monstre, pour mieux mettre en avant la complexité humaine, nos paradoxes, notre ambivalence.

Sombre maléfice ou réelle folie ?

Hallucinations schizoïdes, émotions exacerbées, hypersensibilité, caractère rêveur, désirs mégalomanes, pouvoir de dominer…, les personnalités brouillent la frontière entre la réalité et le surnaturel. Un sombre maléfice gravite-t-il sur Sainte Madeleine ou bien cet antre de la folie a-t-il eu raison de la "normalité" de tout ceux y évoluant ? Vous le découvrirez peut-être en visitant Sainte Madeleine !

Annexe

Je termine en soulignant la qualité de l'annexe que Florence propose à la fin de ses nouvelles. Elle reprend quelques grands points de l'Histoire de la psychiatrie, avec l'enfermement, les médicaments à bases de plantes toxiques, la médecine versus la sorcellerie. Elle retrace également quelques résidents atypiques croisés dans les Chroniques. En fin, elle nous liste ses inspirations musicales pour clore sur quelques paragraphes sur elle-même : son rapport à l'écriture et à son monstre (et je dois dire que sur ces points, nous nous ressemblons beaucoup elle et moi !)

En bref : Florence D. Orlhac signe avec Les Chroniques de Sainte Madeleine un premier ouvrage percutant qui ravira les férus de fantastique ! Découpé en 9 nouvelles, le récit s’articule selon plusieurs points de vue : patients, médecins, infirmières, chats, instaurant ainsi une atmosphère qui brouille la perception entre réalité et surnaturel. Au travers de thématiques fortes du genre, l’autrice interroge la représentation de la folie, mais aussi de notre perception du monde. Ayant pris soin de représenter une riche variété de personnages comme de leitmotivs, Florence laisse à raison plusieurs mystères non expliqués. De quoi garder une petite partie de nous prisonnière de Sainte Madeleine.

Florence D. Orlhac, Les Chroniques de Sainte Madeleine, Éditions Octoquill, mai 2021

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Publié dans chronique personnelle

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