Christophe Guillemain, L'Enterrement des Étoiles, Éditions Mnémos, Pépite de l'Imaginaire 2022, 25 février 2022

Publié le par Maude Elyther

Bonjour à vous, je vous retrouve pour une nouvelle chronique après un long moment d’absence. En effet, après des mois d’effort pour aller de l’avant, jongler entre mon travail et mes projets d’écriture, mon mental et mon corps ont crié stop. Aussi, je ne vais pas bien, et maintenant que je l’ai accepté, je suis au repos. Merci à celles qui me soutiennent, fidèles au poste, et aux personnes qui ont senti que ça n’allait pas et qui sont venues prendre de mes nouvelles.

Cette période de repos rime avec quelques lectures, dont je vais vous parler ces prochains temps, de façon certes aléatoire mais je suis déjà contente d’avoir ouvert mon ordinateur pour rédiger cette chronique après près de 3 semaines sans écrire, sans poster.

Cette parenthèse hors sujet close, voilà mon retour à propos de L’Enterrement des Étoiles, qui sortira le 25 février :

illustration : Abel Klaer / graphisme : Atelier Octobre Rouge

illustration : Abel Klaer / graphisme : Atelier Octobre Rouge

4ème de couverture

L’annonce de la fin est proche. À la cité des Héritiers, le roi Jenophon reçoit la visite de l’oracle annonciateur. C’est le moment que choisit un cirque pour s’installer non loin et offrir un moment de joie. Mais face à l’obscurité qui s’étend, cette compagnie de monstres de foire devra trouver la lumière intérieure, l’unité et l’harmonie, ultimes espoirs d’un pays au bord du gouffre.

Dans la nuit d’encre, les étoiles éphémères seront portées par ceux que la société rejette pour leurs différences.

Avec ce premier roman, Christophe Guillemain nous embarque dans un récit aux person­nages forts et attachants où les monstres ne sont jamais ceux qu’on croit. L’Enterrement des Étoiles est un bestiaire à la fois sublime et horrifique dans une atmosphère gothique de fin du monde.

Avant-propos

En premier lieu, je remercie de nouveau chaleureusement les Éditions Mnémos pour ce partenariat de service presse, pour une lecture en avant-première du premier roman de l'auteur! Comme beaucoup, j’ai aussitôt craqué lorsque j’ai vu passer la magnifique couverture, signée Abel Klaer, et, en fouinant un peu sur la toile, j’étais tombée sur le résumé qui a achevé de me séduire : je voulais absolument lire cette Pépite de l’Imaginaire 2022 ! Ce titre reprend le flambeau de la Pépite de l’année précédente, à savoir le magistral Diamants de Vincent Tassy (dont vous pouvez (re)lire ma chronique et l’interview à laquelle Vincent a gentiment répondu autour de son dernier roman).

Concernant Christophe Guillemain, j’ai découvert sa plume avec L’Enterrement des Étoiles, mais il possède déjà plusieurs parutions à son actif, notamment des nouvelles (revue Gandahar, Éditions Fantasmagorie…). Mais une fois de plus, la présentation des Éditions Mnémos a été à la hauteur de mes attentes et aussi de mon intuition en ce qui concerne mon attrait pour certains livres en particulier : je voulais le lire et je savais que j’allais adorer !

Ce qui, d’un côté, est assez paradoxal car j’avoue ne pas me jeter sur les livres de « fin du monde », ou les ouvrages de fantasy avec force prophétie… Néanmoins, Christophe Guillemain a su offrir une atmosphère bien particulière et a retourné la notion de prophétie. Mais je vous en dis plus ci-dessous.

Comme de coutume, retrouvez directement les grandes lignes de mon retour tout en bas de l’article, en gras. Pour les autres, bonne lecture !

Mots clefs

Fantasy – magie – mythologie – monstres – bestiaire – freaks – cirque – anges – cosmogonie – déités – prophétie – fin du monde – mages – vampires – espoir – illusions – lumière et ténèbres – gothique

Christophe Guillemain, L'Enterrement des Étoiles, Éditions Mnémos, Pépite de l'Imaginaire 2022, 25 février 2022

Le monde au bord du gouffre

Avec L’Enterrement des Étoiles, Christophe Guillemain pose un monde au bord du précipice. Un univers gris, sale, décadent, assassin, maladif, violent aussi. Il ne semble n’y avoir que les mal-nés, constamment dans la fange. Et sur ce triste ensemble domine Naacht, la capitale de la cité des Héritiers où le roi Jenophon, du haut de son palais dont tout et tous sont tournés, reçoit la visite incongrue, impossible, d’un prophète. Ce dernier lui annonce la venue prochaine d’un mal-né qui ouvrira la porte. Car autrefois, quelques siècles plus tôt, un traître parmi les hommes a mené une armée jusqu’au paradis, pour défier le dieu Oudath et ainsi ouvrir les portes du paradis, la porte d’Omorée, aux miséreux. Depuis, par le truchement d’un pacte avec une sombre entité, Mox, les étoiles ont déserté les cieux terriens. Si le soleil succède toujours à la nuit, la lune, elle, perd de son éclat. La fin de ce monde est proche. Aussi, le bras droit du roi, la blonde Mether, envoie les confesseurs, qui ont la capacité de lire les souvenirs des personnes, à la recherche de cet élu, Celui qui ouvrira la porte.

La troupe du Cabinet des Merveilles

Le décor et les graines des enjeux posés, l’auteur nous présente la troupe du Cabinet des Merveilles du vieux Todestre, une troupe itinérante de forains constituée de « freaks ». Tristo, le bossu surnommé le Crabe, Joran, l’homme sauvage, Nypha, la femme statuaire dorée, Jyss, la belle, Ylias, le muet, Poppiela et Sébaste, les deux enfants atteints du mal du néant, ou de l’enracinement, qui se transforment lentement en arbre, Matifas, le contorsionniste vivant dans une amphore, et enfin Baldo, l’ours. Le groupe est également constitué de 3 autres membres, mais ils quitteront rapidement la scène. Alors que la prochaine commémoration de l’Extinction approche, Todestre, qui vit son personnage mystérieux jusqu’à porter sa barbe postiche en dehors de leurs représentations, rapproche sa troupe de la capitale. Au détour d’une nouvelle mise en scène, il vise à se produire à la capitale.

Ce plan effraie les siens, car la nature de la plupart d’entre eux les condamnerait si elle était découverte. Toutefois, le vieil homme est sûr de lui et tente de rassurer tout le monde, gardant toutefois des mystères. Il demande même à Ylias de révéler son secret : sa force surhumaine. Son fils adoptif, introverti et muet ne comprend pas pourquoi il doit se montrer sous ce jour, seul Todestre connaissait cette aptitude hors norme.

Tod lui fait même utiliser sa force lors de leur représentation aux abords de Naacht, alors qu’ils jouent une version de la nuit de l’Extinction, montrant le traître Abracax défier Oudath et ses anges. Ce soir-là, deux confesseurs, Lauranz et Yon, assistent au spectacle. S’ils comprennent qu’un soupçon de magie se cache derrière cette mise en scène, ils repèrent surtout Ylias : est-ce lui que leur Mère, Mether, leur a demandé de trouver ? Serait-ce l’élu de la prophétie ? Lauranz, qui porte la foi à un niveau supérieur que son compagnon, ne sonde pas l’esprit du jeune Ylias apeuré, il tente de le convaincre de le rejoindre par des mots mielleux. Sûr de lui, il l’invite à réfléchir à sa proposition, leur donnant rendez-vous à la capitale. Ainsi la troupe a obtenu son laissez-passer.

Le passé nous rattrape

Christophe Guillemain a découpé son roman en trois parties, chacune constituée de chapitres plutôt courts dans lesquels nous allons suivre plus spécifiquement un à un les personnages. Ce qui permet de mieux connaître les protagonistes, qui sont tous rattachés, de près ou de plus loin, à la prophétie. Les liens complexes qui les unissent mettent en lumière l’humanité, nos émotions, nos défauts, nos travers. Amitié, jalousie, amour contrarié ou naissant… ils sont tous dans la même barque. Mais alors qu’ils sont installés dans la fange de la capitale, disputant le spectacle avec un duo voisin, leur passé va les rattraper, ou l’avenir en ce qui concerne Poppiela et Sébaste dont aucun remède n’existe à leur mal. Assassin, mage, vampire amnésique, de même qu’un autre secret d’Ylias, les voilà confrontés à ce qu’ils ont fuit en intégrant la troupe de Todestre. L’intrigue arachnéenne les relie autour de la prophétie de l’élu, de la promesse de la lumière d’Omorée.

Illusions, anges et monstruosités

De souvenirs chapardés et de scènes entre certains personnages, notamment le roi Jenophon et son bras droit Mether, l’on apprend que la prophétie ne serait sans doute qu’un leurre. Pas que la porte d’Omorée n’existe pas non, bien qu’un labyrinthe impossible se dresse entre elle et le monde des hommes. Plutôt dans le sens où les enjeux, la promesse de la lumière pour les mal-nés ne soient pas ceux exposés. Une fois de plus, Ylias se sent manipulé, mais alors pourquoi se battre, répondre aux quêtes qui l’opposent aux monstres étranges qui surgissent dans la capitale ? Certains personnages ne sont pas ceux que l’on croit, entre illusion et secret bloqué.

Car c’est un fait, Naacht possède quelques mages de Sin-Mu à son service, alors même que la magie est interdite. Ces mages ont le don de créer des illusions. Certains pensent même que le ciel sans étoile résulte d’une illusion.

Entre le monde qui s’enfonce dans les ténèbres, les illusions et désillusions de nos attachants protagonistes, la réalité se délite dans le mythe, dans l’espoir et la foi. La troupe réussira-t-elle à atteindre la lumière ?

Personnages féminins

Je souhaite ajouter ce point à ma chronique suite aux remarques que j’ai vu passer dans d’autres retours concernant les femmes dans ce roman. En effet, il était reproché qu’elles soient toutes belles, tombaient pour certaines dans le cliché de la prédatrice, de la manipulatrice. Le fait est que Nypha arbore cette apparence dorée et statuaire car un alchimiste, un homme donc, a mené des expériences sur elle : l’homme qui modèle la femme à sa convenance. Quant à Jyss, eh bien via les pans de son passé révélés, je comprends son comportement, pour moi elle ne se pense pas supérieure, elle cherche à se protéger et pour se faire, elle ne s’attache pas réellement. Alors oui, par moment elle est froide, cruelle, cependant j’ai senti une grande blessure en elle. Je finirai avec le personnage de la prédatrice, oui il y en a bien une, mais telle est sa nature, et j’ajoute que sa place n’est pas à envier, car au final elle est une esclave du monde des ténèbres.

Derrière ses femmes, il y a eu/il y a des figures masculines qui les ont manipulées, trahies, la dernière devant obéir sinon elle est violemment punie, et pourtant elles tentent de s’émanciper, d’exister malgré leur passé et le monde terrible dans lequel elles vivent.

En bref : Christophe Guillemain signe avec L’Enterrement des Étoiles son premier roman, Pépite de l’Imaginaire 2022 à paraître le 25 février. Dans un monde au bord du déclin, les laissés pour compte se retrouvent au cœur d’une prophétie. Car l’élu a été annoncé, Celui qui ouvrira la porte d’Omorée, le paradis, aux miséreux. Entre fantasy, mythologie, prophétie, magie, l’auteur brosse un univers bien à lui, entre humains et créatures surnaturelles égarés par les illusions. Des scènes époustouflantes (Sin-Mu) et envoûtantes (l’apparition aux thermes d’Oumfah) sont au rendez-vous, de même que le spectacle avec la représentation de la Troupe du Cabinet des Merveilles au début de l’ouvrage. Vous trouverez aussi des scènes horribles, celles dans les profondeurs où va s’égarer Matifas, où dans les dédales du labyrinthe.

Malgré tout, beauté et poésie sont également présentes. Bien sûr par le biais des illusions, mais aussi par les relations d’amitié, comme celle de Poppiela pour Matifas et Baldo, l’amour de Sébaste pour Poppiela qui cherche un remède à leur maladie. Le lien entre Tod et Matifas. La relation, touchante, entre Joran et Nypha. Et au final, ne sont-ce pas ces étincelles, ce qui nous lie aux autres qui nous apporte la lumière, fusse-t-elle intérieure ? Les illusions sont bien ici les apparences au-delà desquelles il faut voir. Autre thématique intéressante exploitée par l'auteur : la passation du flambeau à la génération suivante, quel monde bâtissons-nous pour demain ?

Vous l’aurez compris, au-delà du sombre et sinistre décor, un message lumineux se dégage de L’Enterrement des Étoiles. Je vous recommande donc vivement la lecture de ce roman !

Christophe Guillemain, L'Enterrement des Étoiles, Éditions Mnémos, Pépite de l'Imaginaire 2022, 25 février 2022

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Z
Encore une superbe chronique que tu as écrite là ! Ca m'a un peu réconciliée avec le bouquin, pour l'instant je n'ai lu que des avis mitigés, notamment sur les personnages féminins, et ça m'avait un peu refroidie.<br /> Alors je vais me laisser tenter et me faire mon propre avis.<br /> Je suis contente de te retrouver, prends soin de toi et prends le temps dont tu as besoin pour aller mieux, sans pression. Je t'envoie plein de pensées et de soutien !
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M
Merci pour ton nouveau commentaire !<br /> Oui, j'ai vu effectivement comme toi passer des retours plutôt mitigés... et encore une fois je ne les rejoins pas ^^ J'avais vu passer une remarque par rapport à Jyss notamment, sur le fait que les femmes du roman étaient "juste belles, manipulatrices etc" juste avant de lire le roman, j'ai donc eu un a priori en débutant la lecture. Mais au final, je me suis vite rendu compte des nuances, et on comprend mieux la psychologie des personnages en découvrant quelques épisodes de leur passé.<br /> <br /> L'auteur ne prend pas le lecteur par la main et ne donne pas toutes les clefs, et j'ai l'impression que ça "bloque" la plupart des lecteurices, alors que moi c'est ce que j'adore le plus ! et à côté, je n'aime pas les histoires cousues de fils blancs etc ^^<br /> <br /> En tout cas, j'espère qu'il te convaincra toi aussi !<br /> <br /> Et merci beaucoup pour tes mots de soutien, ils me vont droit au cœur ❤