Estelle Faye, Un Éclat de Givre, Éditions ActuSF, Collection Collector, 21 janvier 2022
4ème de couverture
Paris devenue ville-monstre, surpeuplée, foisonnante, étouffante, étrange et fantasmagorique. Ville-labyrinthe où de nouvelles Cours des Miracles côtoient les immeubles de l’Ancien Monde. Ville-sortilège où des hybrides sirènes nagent dans la piscine Molitor, où les jardins dénaturés dévorent parfois le promeneur imprudent et où, par les étés de canicule, résonne le chant des grillons morts. Là vit Chet, vingt-trois ans. Chet chante du jazz dans les caves, enquille les histoires d’amour foireuses, et les jobs plus ou moins légaux, pour boucler des fins de mois difficiles.
Aussi, quand un beau gosse aux yeux fauves lui propose une mission bien payée, il accepte sans trop de difficultés. Sans se douter que cette quête va l’entraîner plus loin qu’il n’est jamais allé, et lier son sort à celui de la ville, bien plus qu’il ne l’aurait cru.
Avant-propos
En premier lieu, je remercie les Éditions ActuSF ainsi que Jérôme pour l’envoi de ce service presse papier !
L’année dernière, j’avais eu la grande joie de lire Un Reflet de lune, une aventure indépendante de Chet se passant moins d’un an après Un Éclat de Givre. C’est avec cet opus ci-présent que j’avais découvert la plume d’Estelle Faye, car il était paru aux Éditions Les Moutons Électriques en 2014. À cette époque, je n’écrivais pas encore de chroniques, aussi j’ai le plaisir de rédiger aujourd’hui mon retour, après une nouvelle lecture d’Un Éclat de Givre !
Mots clefs
Paris – post-apocalypse – LGBTQIA – Queer – identité – poétique – Jazz – aventure – enquête – masque – scène – étrange – fantasmagorie – musique – écologie – environnement – fantasy – fantasy urbaine – survie – hybrides – Paradis – Enfer – canicule
Mon retour
Seconde lecture pour moi du roman emblématique d’Estelle Faye. J’ai ressenti les mêmes émotions dans cette ambiance étouffante dans laquelle surnage une indélébile et mélancolique nostalgie. Chet a 23 ans, il s’habille et se maquille en femme pour chanter les soirs, en compagnie de son pianiste Damien. Dans un Paris post-apocalyptique, ville entourée par les Terres Vides, le jeune chanteur Queer s’adonne également à d’autres petits boulots, histoire d’arrondir les fins de mois. Ainsi, le voilà bientôt embarqué dans une affaire incluant la Substance, une nouvelle drogue qui immunise contre la canicule estivale.
Sous sa gueule d’amour, le maquillage de ses performances, ses airs sensuels, le cœur de Chet bat à l’unisson de Paris. Il incarne sa ville, qu’il connaît et fantasme via ses rêveries mais aussi les films et autres documentations des anciens temps qu’il consulte grâce à son ami Paul le Sorbon. Dans un premier temps, il est plus motivé par celui qu’il nommera Galaad, un Frelot de la Bordure aux yeux fauves avec lequel il doit enquêter, que sur la drogue et les réels enjeux qui pèsent sur la ville.
Chet est un bisexuel libre, bien qu’il soit tiraillé par l’absence de Tess, sa meilleure amie dont il est secrètement amoureux, qui travaille pour organiser un voyage jusqu’en Sibérie, où la forêt existerait encore. Pour autant, il est de suite attiré par l’assurance sauvage de Galaad, son chevalier blanc. Ensemble, ils doivent se rendre en Enfer, une ville en-dehors de la ville où les habitants subissent des interventions/déformations chirurgicales pour ressembler à des chimères échappées d’anciens livres. Leur mission est de retrouver le dealer de la Substance. La mission ne se passe pas exactement comme prévue, entre révélation choc et rapprochement.
Là aussi tout dérape et voilà que Chet doit dépasser ses émotions et ses limites, car il est propulsé au premier plan de cette affaire, dans l’œil des Enfants Psy, des enfants aux capacités psychiques extraordinaires qui gouvernent la ville. Du repaire des Frelots dans la Bordure, de sa chambre-étuve, en passant par l’Enfer et Notre-Dame, repère des Tziganes, de ses rencontres avec les sirènes hybrides, des retrouvailles aux Enfers, d’une rencontre inopinée dans les égouts, Chet n’est pas au bout de ses surprises. Car au-delà de ses fantasmagories de ses rêveries nostalgiques, le passé renaît. Illusion ? Fausse promesse ?
Tout comme Un Reflet de Lune, Un Éclat de Givre est avant tout un roman d’ambiance. Chet narre sa ville, sa vie, ses déboires, ses désirs, ses failles, ses incertitudes. Dans ses pas, nous découvrons le visage de Paris après l’Apocalypse, tandis que sur ses traits se superposent des images que nous connaissons mais que le narrateur ne fait que fantasmer. Ruines et végétations génétiquement modifiées côtoient la Seine polluée, la chaleur et la moisissure. Chet aime sa ville ; il aime chanter, boire, badiner, s’empêtrer dans des affaires qui le dépassent.
L’autrice écrit tout cela avec une poésie évocatrice qui ne s’étend pas : l’intrigue s’enchaîne, cumulant chapitre après chapitre différentes scènes, avec son lot de décors, d’informations, de personnages, de retournements de situation. Demeure pour moi le même petit bémol : la fin rapide qui agence néanmoins un décor magistral et un personnage sur lequel j’aurais aimé en savoir plus. Toutefois, la narration reste égale du début à la fin, ce n’est pas en soi un déséquilibre mais un grand attrait de ma part pour cette partie.
À noter qu’en bonus, le roman se conclut sur une nouvelle, Échos, tirée de l’anthologie des Imaginales 2020 : quelques pages pour retrouver Chet 😊
En bref : les Éditions ActuSF proposent, après l’aventure inédite et indépendante de Chet dans Un Reflet de Lune, une réédition collector d’Un Éclat de Givre. Dans un Paris post-apocalyptique, Chet, jeune chanteur jazzy Queer, se trouve embarqué dans une affaire qui le dépasse mais qui concerne l’avenir de sa chère ville. Entre fantasmagories et rêveries, une mélancolique nostalgie surnage dans ce roman à l’ambiance étouffante, peuplé de chimères humaines et autres hybrides. Dans Paris se terrent les perversités humaines, les excès scientifiques et militaires. La ville tient bon toutefois, dans un processus tourné sur la survie… pourtant certains camés croient à une Renaissance. Chet et Galaad ne sont pas au bout de leur peine ni de leur surprise pour démêler le faux du vrai, l’illusion de la chimère.
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