Cécile Guillot, Lullaby, Éditions du Chat Noir, collection F. nigripes, 6 octobre 2021

Publié le par Maude Elyther

couverture par Mina M

couverture par Mina M

4ème de couverture

États-Unis, années 20.

Hazel aime écrire des histoires horrifiques et rêve de devenir écrivain. Son cœur bat pour sa jolie voisine, Blanche. Mais quand ses parents découvrent ses diverses inclinations, ils s’en indignent et décident de la faire interner à Montrose Asylum.

Là-bas, elle rencontre la fougueuse Jo et la fragile Lulla. Toutes les trois vont suivre la mystérieuse berceuse qui s’élève la nuit, les menant au sein d’un jardin abandonné…

Avant-propos

Cécile Guillot a ouvert les Éditions du Chat Noir. Amoureuse de la littérature gothique, des récits féministes, du vintage et du thé, elle écrit des récits où se mêlent douceur, atmosphères entre le rose et le noir, aux thèmes sensibles.

Avec Lullaby, elle signe une novella onirique et fantastique où j’aurais aimé demeurer égaré parmi les fleurs d’un jardin abandonné.

Mots clefs

Novella – psychiatrie – émancipation féminine – onirique – fantastique – jardin – conte – fleurs

Cécile Guillot, Lullaby, Éditions du Chat Noir, collection F. nigripes, 6 octobre 2021

Mon retour

Si j'ai déjà lu plusieurs textes de Cécile, Lullaby m'a incontestablement le plus plu et parlé ! Il s’agit d’une novella dont l’intrigue se déroule dans les années 20. Nous allons suivre le récit de Hazel, seule enfant d’une famille engoncée dans une normalité figée. À cette époque, vous vous en doutez, les femmes ne sont guère considérées autrement que des « potiches » : elles ne savent pas raisonner, ne sont utiles que pour tenir la maison et donner naissance aux enfants.

Malgré le conformisme prêché par ses parents, Hazel sort du moule, entre son amitié trouble avec la fille de la voisine, Blanche, et ses écrits sanglants. En découvrant ces derniers, ses parents font appel à son oncle pour prendre les choses en main. Ainsi, la voilà envoyée à Montrose Asylum, un établissement psychiatrique pour les filles et femmes de bonne famille.

Sur place, Hazel découvre un environnement hostile, entre l’infirmière méprisante, les traitements lourds et violents. On peut toutefois l’estimer assez chanceuse, car le médecin qui la suit est davantage psychanalyste que son collègue qui pratique des traitements barbares ; l’autrice mentionne bien sûr l’hydrothérapie ou l’insulinothérapie.

Hazel va se lier avec Jo, une jeune femme moderne auprès de laquelle elle va se sensibiliser à la cause féminine : pourquoi les femmes ne peuvent pas accéder à davantage de métiers ? pourquoi sont-elles moins bien payées que les hommes ? Jo lui apprend également l’existence de Margaret qui parle de contraception.

Cécile montre de nombreux décalages. La plupart des pensionnaires de l’institut présentent de véritables troubles psychiques, alors que Hazel et Jo ont juste des pensées différentes de la norme : l’envie d’être indépendante, de ne pas se marier et de travailler en tant que bibliothécaire pour continuer d’écrire pour Hazel. Il y a également la diaphane Lulla, internée pour une raison grotesque, rejetée par sa famille. Contre toute attente, une patiente a fait de l’institut sa nouvelle demeure : au moins elle ne se mariera pas et ne sera plus confrontée à sa famille.

Jo a pris Hazel sous son aile, lui dictant la conduite à tenir pour sortir au plus vite. Pourtant, une nuit, Hazel, Jo et Lulla se retrouvent dans le couloir, elles entendent une berceuse, chantée par une petite fille. Les trois amies vont alors découvrir un jardin abandonné, onirique. Mais dans ce paradis, un monstre rôde et cherche à s’en prendre à Hazel. Et si ce jardin était lié à Hazel ? Il faudra qu’elle en perce le mystère pour (re)trouver sa liberté.

Aujourd’hui, l’approche psychiatrique a, heureusement, changé, pourtant cela fait toujours froid dans le dos de savoir, de voir, que les personnes différentes sont encore rejetées, stigmatisées, discriminées. Tout comme le combat pour l’équité n’est pas terminée. D’ailleurs, l’autrice ne rapproche-t-elle pas les fleurs létales du jardin de Hazel à la figure féministe des Sorcières d’aujourd’hui, suggérant le symbole de la femme sauvage ?

Cette novella questionne des sujets actuels par le biais du traitement des femmes, plus particulièrement via la psychiatrie. L’autrice nous livre une bibliographie à la fin de son texte, pour approfondir le sujet.

Cécile Guillot, Lullaby, Éditions du Chat Noir, collection F. nigripes, 6 octobre 2021

En bref : mêlant psychiatrie dans les années 20, fantastique et féminisme, Cécile signe avec Lullaby une novella à la fois douce et cruelle. Interrogeant les dérives du conformisme, la misogynie latente des milieux médicaux/psychiatriques, le regard est braqué sur notre société actuelle, qui, malgré des « améliorations », répètent le schéma égocentré du rejet. Au 21ème siècle, il est malheureux d’écrire que le combat concernant l’équité continue. Le féminisme s’est approprié la figure symbolique de la Sorcière, femme indépendante, femme sauvage, qu’esquisse Cécile, via Hazel, Jo et Lulla, à l’époque des balbutiements du féminisme.

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Publié dans chronique personnelle

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