Nicolas Cartelet, Le Livre de Nathan, Éditions Mnémos, Label Mu, 7 juin 2023

Publié le par Maude Elyther

illustration de couverture par Kévin Deneufchatel

illustration de couverture par Kévin Deneufchatel

4ème de couverture

Le dernier livre de l’humanité

Le destin est incroyablement railleur. Une étrange apocalypse maritime se déclenche en une nuit et Nathan Verdier devient l’un des seuls survivants d’une humanité privée de ses terres. Sur son bateau de fortune, au milieu des bouteilles vides et de quelques conserves, se trouve son manuscrit, son précieux roman dont aucun éditeur n’a voulu. Et ce livre improbable est le seul à avoir été sauvé des eaux… D’année en année, de siècle en siècle, ce texte miraculé, qui aurait dû finir dans les archives de la médiocrité, va devenir un objet d’escroquerie, de tentation, de passion et de culte. Cette fois, c’est sûr, il aura le succès qu’il mérite !

Avec Le Livre de Nathan, Nicolas Cartelet explore notre fascination presque sacrée pour les livres et le pouvoir de la fiction sur le monde. Un regard puissamment malicieux, parfois piquant, sur cette passion romanesque capable de transformer les rêves d’un écrivain en réalité.

Né en 1989, Nicolas Cartelet est écrivain et éditeur. Remarqué pour son premier roman Dernières fleurs avant la fin du monde, nommé au Grand Prix de l’Imaginaire, il a été désigné comme l’un des cinq auteurs à suivre par le Point Pop.

Avant-propos

En premier lieu, je remercie Estelle et les Éditions Mnémos pour l’envoi de ce service presse !

N’ayant pas encore lu d'autres romans de l’auteur (plus particulièrement Dernières fleurs avant la fin du monde et Petit blanc), je me suis laissé tenter par Le Livre de Nathan, avec sa jolie couverture acidulée estivale et son propos très intéressant à propos des livres en général, qui distillent la frontière en rêve et réalité.

Mots clefs

Aventure – imaginaire – littérature blanche – conte – fable – épopée post-apocalyptique – fiction – autodérision – second degrés – religion – secte – culte – escroquerie – le pouvoir des livres – culture

Nicolas Cartelet, Le Livre de Nathan, Éditions Mnémos, Label Mu, 7 juin 2023

Mon retour

« Le temps se décompta comme il l’avait toujours été pour Mrgt et Crcè, c’est-à-dire pas en jours ni en mois mais en caisses de merlans et en litre d’eau-de-vie. On mangea et l’on but d’autant plus qu’on avait le sentiment d’avoir frôlé la mort, mues par une pulsion de vie nouvelle. On joua trente-six fois du tambourin. On passe huit cent soixante-douze heures au soleil, nue comme un vert. On attira dix-huit jeunes hommes dans son lit. Et puis, comme une évidence scénaristique, parce qu’on n’est pas le genre d’auteur à inventer un personnage pour ne pas s’en servir, vint la rencontre avec la femme-liche. »

La couverture signée Kévin Deneufchatel avec ses teintes de glace à l’eau évoque, outre le soleil estival, un côté onirique, feel good… un ciel de carte postale, où l’être humain est petit face à l’infini de l’océan. Justement, Nathan Verdier ne le sait pas encore, mais son manuscrit, Métaphysique du mérou, mauvais et fui par tous les éditeurs, va devenir une bouteille à la mer qui façonnera les humanités de demain. Eh oui, le monde est submergé par les eaux. À la septième nuit après six jours et autant de nuits de pluie, les terres disparaissent sous les eaux, plouf ! Il ne reste que des grappes de survivants, à bord de divers bateaux. À partir de là, plutôt que de s’étendre sur les pertes, le traumatisme de cette apocalypse liquide, Nicolas Cartelet interroge la culture, l’évolution de l’humanité.

Un jour tous sauront le langage
De la mer et des choses sous-marines,
En attendant dites-le, criez-le,
Même quand personne n’entend,
Même quand personne n’écoute,
Et alors ce jour viendra.

Livre de Nthán, 1.18

Le Livre de Nathan, Nicolas Cartelet, Éd. Mnémos, Label Mu, 2023

À travers une plume à prendre au second degrés, nourrie à l’auto-dérision, l’auteur narre le récit du manuscrit de Nathan, le seul objet culturel ayant échappé à l’apocalypse. Ce dernier livre de l’humanité va être le fil conducteur de l’humanité pour les siècles à venir. Oui : les siècles à venir. Voyez-vous, le présent roman est divisé en 5 parties, ces parties espacées entre elles de très longues ellipses qui rendent compte de l’évolution des êtres humains, depuis les survivants. Comment un texte peut-il devenir, tour à tour, le point d’orgue d’escroqueries ésotériques ? d’une religion ? du pouvoir ?

L’auteur joue du décalage entre les époques, sur un ton piquant, autodérisoire, ou encore ironique et actuel, truffant son récit de commentaires analytiques sur le monde du livre, de l’édition. Ainsi l’on a droit à un échange entre auteur (nul, il faut le dire) et éditeur (direct), à des couchers de soleil gros budget, aux personnages entre clichés (assumés) et hors cadre ; au déroulement de certains effets de style ou à des effets plus théâtraux (comme « il dit cela sur un ton de fin de chapitre »). Les personnages sont barrés autant que le style de Nicolas Cartelet, à l’image de ces humanités que nous côtoyons l’espace de tranches de vie.

Métaphysique du mérou devient Le Livre de Nthán, car le vocabulaire humain a perdu en voyelles (merci à l’auteur d’avoir retranscrit les dialogues en vieux français ^^), mais pas en son égocentrisme. Le Livre de Nthán est la Bible de la religion aquatique : l’on prie plusieurs heures par jour, on parle aux poissons… Cette religion naissante a été instiguée, par hasard dirons-nous, par trois femmes, des escrocs ésotériques. Mais voilà, plusieurs siècles après elles, la religion a effacé les femmes (il faut dire que dans Le Livre de Nthán, l’apparemment seule figure féminine est une ex-femme détestable). Eh oui, on a voulu rentabiliser davantage son commerce plutôt que de continuer à propager la sororité alors…

Ensuite, c’est un coup d’État qui est orchestré, parce que les croyants sont étiquetés libertaires et que ça ne plaît pas à l’empereur. Ici, on parle de secte, mais, comme le souligne l’auteur, une secte est par définition la naissance d’une religion, donc on y est bien, n'ayons pas peur des mots.

La cabine de la femme-liche était un musée des horreurs. De hautes vitrines couraient aux quatre murs, derrière lesquelles était rassemblé tout le nécessaire à cauchemar, crânes de poissons divers, bocaux où suintaient méduses, blobs, têtes de mérous aux yeux exorbités, tous types de poignards ensanglantés et même de vieux animaux empaillés (...). Quant à la femme-liche, c’était un être long et fin habillé d’une robe noire qui s’évasait au sol, donnant le sentiment qu’elle flottait lorsqu’elle se déplaçait. Quoique très jeune en apparence, elle surdosait la poudre blanche sur sa peau (...) et soulignait ses yeux de traits sombres qui rendaient son regard inquiétant. Ses cheveux formaient une mousse noire dressée vers le ciel. Elle était en tout point terrifiante.

Le Livre de Nathan, Nicolas Cartelet, Éd. Mnémos, Label Mu, 2023

Le Livre de Nthán marque l’humanité pour des siècles, entre escroqueries ésotériques, coup d’État, secte, c’est la naissance d’une religion et de ses dérives, de son nombrilisme et de son extrémisme. Fatalement, un jour, certains et certaines se détournent de la religion aquatique, l’oublient ; car arrive un jour où le niveau des eaux des mers et des océans descend. Si l’on découvre les ruines des civilisations terriennes, et avec elles le phénomène des marées, l’on pourrait également découvrir la vérité à propos du Livre de Nthán

Le Livre de Nathan, c’est un condensé d’ironie : sur le monde de l’édition, la culture, les effets de mode (le « faux » ésotérisme), les courants de pensées/de religion manipulateurs qui empêchent de penser par soi-même, la notion de liberté, tant individuelle que collective… L’on s’étonne de la prolifération humaine après l’apocalypse liquide, des délégations de navires en tout genre (après des siècles sur l’eau, comment ont-ils pu fabriquer le métal nécessaire ou encore les sonars, les radios… ?).

L’on s’étonne moins, sourire jaune, face à leur désir de pouvoir, de conquête, de suprématie. Au final, la leçon de l’apocalypse n’aura pas porté ses fruits. Alors qu’il faudra des siècles pour que la pluie perpétuelle s’amenuise, pour que le soleil revienne, puis pour que le niveau des hauts descendent pour qu’enfin l’être humain repose le pied sur la terre, il retombera aussi sec dans sa vilénie et son spécisme.

Livre d’aventure, de philosophie, d’ésotérisme, de religion, d’humour satirique : Le Livre de Nathan est tout cela à la fois, à travers les époques, les évolutions humaines. Pas piqué des hannetons, Le Livre de Nthán est un mensonge, un mensonge à protéger comme les secrets du Vatican. Le tout est à la fois léger et désespérant en ce qui concerne l’humanité, même si on lui concède le fait d’avoir tenter de communier avec l’océan, de l’apprivoiser ; mais c’était plus sûr et moins fatigant de rester en surface. Ironie donc que la vérité vienne des profondeurs.

Nicolas Cartelet, Le Livre de Nathan, Éditions Mnémos, Label Mu, 7 juin 2023

En bref

Livre d’aventure, de philosophie, d’ésotérisme, de religion, d’humour satirique : Le Livre de Nathan est tout cela à la fois, à travers les époques, les évolutions humaines. C’est un condensé d’ironie : sur le monde de l’édition, la culture, les effets de mode (le « faux » ésotérisme), les courants de pensées/de religion manipulateurs qui empêchent de penser par soi-même, la notion de liberté, tant individuelle que collective… Piquant et autodérisoire, il dresse le portrait d’une humanité désespérante qui, avec ou sans culture, pense superficiel et pouvoir.

Roman au ton léger et railleur, je lui aurais préféré de la profondeur, mais ce n’est que mon goût et mes préférences littéraires, car Le Livre de Nathan se veut avant tout divertissant, enlevé. Une lecture parfaite pour vous accompagner un week-end ou en vacances !

Nicolas Cartelet, Le Livre de Nathan, Éditions Mnémos, Label Mu, 7 juin 2023

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