Aiden Thomas, Cemetery Boys, Éditions ActuSF, label Naos, 15 avril 2022

Publié le par Maude Elyther

illustration de couverture : Mars Lauderbaugh

illustration de couverture : Mars Lauderbaugh

4ème de couverture

Yadriel est un brujo. Pas une bruja. Si les femmes peuvent guérir, les hommes, eux, savent rappeler les esprits. Parce qu’il tient à prouver à sa famille qu’il possède bien les pouvoirs de son genre, il se rend dans l’église du cimetière afin d’invoquer un fantôme. Arme magique au poing, et meilleure amie pour l’aider, il fait alors de son mieux pour convoquer l’âme de son cousin décédé, afin de comprendre les raisons de sa mort.

Alors qu’il pense avoir réussi, il découvre que le fantôme qu’il vient de ramener au milieu de l’église familiale n’est pas tout à fait le bon…

Aiden Thomas est trans, latinx et iel écrit du young-adult ; son premier roman Cemetery Boys est un best-seller du New York Times. Originaire d’Oakland, iel vit désormais à Portland. Aiden a la réputation de ne jamais deviner la fin des films et des livres et de trier sa bibliothèque par couleur.

Avant-propos

En premier lieu, je remercie les Éditions ActuSF et Jérôme pour l’envoi de ce service papier ! Vous l’aurez remarqué si vous me suivez un minimum (tant pour mes écrits que lectures), j’apprécie énormément la diversité, et avec ce roman, celle-ci est présente à plusieurs niveaux. Que ce soit côté identité de genre (personnage principal transgenre et personnages secondaires gay, transgenre…), philosophie de vie (Maritza est végane, j’adore !), mais aussi à travers la communauté dépeinte car Aiden Thomas nous plonge dans les rites latinx*

*latinx :« néologisme de genre neutre parfois utilisé à la place de Latino ou Latina pour désigner des personnes vivant aux États-Unis dont la culture est principalement latino-américaine ou qui appartiennent à une ethnie d'Amérique latine. » [source]

Roman young adult, Cemetery Boys présente l’histoire de Yadriel, adolescent (15 ans) trans et gay qui souhaite accomplir son devoir de brujo (« sorcier ») au sein de sa communauté latinx. Pour leur prouver qu’il est un homme, il invoque un esprit… or le fantôme qui apparaît n’est pas celui qu’il attendait. Commence alors une course contre la montre pour aider cet esprit dans le but de pouvoir enfin participer au rite de passage qui a été refusé à Yadriel jusqu’à maintenant.

Mots clefs

Young adult – latinx – diversité – lgbtqia – transgenre – identité de genre – own voice – végane – rite – fantômes – ghost story – romance – racisme – meurtre – famille – amitié – arme magique – transmission – construction de soi – affirmation de soi – acceptation – course contre la montre

« Ce n’est pas Miguel », essaya de chuchoter Maritza, mais elle n’avait jamais vraiment eu une voix faite pour ça. Yadriel gémit et se passa la main sur le visage. Du bon côté des choses, il avait invoqué un esprit pour de vrai. Du mauvais côté des choses, il n’avait pas invoqué le bon.

Aiden Thomas, Cemetery Boys

Mon retour

C’est une œuvre très personnelle que nous livre Aiden Thomas, cela se ressent même si nous avons ces précisions directement sur la 4ème de couverture. Avec ce own voice, iel aborde des sujets variés et passionnés, le tout se jouant dans un cadre atypique pour nous, lecteurs européens. En effet, nous voilà plongés dans une communauté latinx, qui est liée à Santa Muerte (ou encore Notre Dame la Mort). De ce fait, les hommes (brujos) et les femmes (brujas), possèdent un pouvoir en fonction de leur genre. Les premiers peuvent invoquer les esprits, mais surtout les envoyer dans l’au-de-delà où est leur place. Quant aux secondes, elles peuvent guérir. Brujos comme brujas gardent un « objet magique » pour exercer : le portaje (poignard) pour couper le lien qui retient les esprits pour les premiers, et un rosaire pour les guérisseuses. Faire usage du don transmis par Santa Muerte requiert également du sang animal. Tous peuvent voir les esprits, certains côtoient d’ailleurs le cimetière.

Au-delà de ces particularités, la communauté est colorée, festive, familiale. Si Yadriel vit dans une maison dans le cimetière toujours remplie de sa famille, l’ambiance n’est pas lugubre. L’auteurice a retranscrit une véritable chaleur, notamment avec l’engouement pour les préparatifs de la prochaine fête des morts avec les guirlandes, les roses d’Inde aux couleurs vives, les mets spécifiques… Seulement voilà, forts d’un lien « magique » qui les unit, les latinx sont tout à coup touchés par le deuil : ils ont senti que Miguel, le cousin de Yadriel, était mort. Cependant, ils ne savent pas comment et ne retrouvent pas son corps malgré la contribution de tout le monde dans les recherches. Yadriel veut être utile lui-aussi, mais on refuse son aide. Cette attitude à son égard prend racine dans sa différence, puisqu’il est un homme trans. Il ne peut pas être bruja mais personne ne pense que la Santa Muerte le baptisera en tant que brujo. Tous sauf Maritza, sa meilleure amie.

Yadriel est dans le besoin de prouver qu’il est bel et bien un homme, pour pouvoir participer cette année à l’aquelarre qui se profile, la cérémonie qui officie en tant que rite de transition pour les nouveaux brujos et brujas. On le lui a refusé jusqu’ici. Entre les sentiments de Yads, la cérémonie qui approche à grands pas et la disparition de Miguel, le jeune homme prend les choses en mains. Avec l’aide de Maritza, il se présente à Santa Muerte et appelle l’esprit de son cousin. Si tout fonctionne, l’esprit qui se matérialise n’est pas celui de Miguel, mais celui de Julian, un jeune homme de l’école de Yadriel et Maritza. Malgré le caractère difficile car colérique et extraverti de Julian, les deux amis en viennent à établir un accord entre eux : l’apprenti brujo va aider l’esprit et en échange, celui-ci le laissera couper le lien qui le retient avant la fête des morts.

Yadriel, Maritza et Julian par Mars Lauderbaugh
Yadriel, Maritza et Julian par Mars Lauderbaugh
Yadriel, Maritza et Julian par Mars Lauderbaugh

Yadriel, Maritza et Julian par Mars Lauderbaugh

Débute alors un jeu de pistes pour Yadriel, cacher un fantôme sous son propre toit, tout en composant avec son impertinence et son énergie (Julian ne tient pas en place). Mais ce n’est pas tout, car alors que quelques éclaircissements se font sur la mort de Julian, l’on sent que quelque chose de plus vaste se tisse dans l’ombre. Trop pour le trio ? Bien évidemment, je n’en dirai pas plus, même si, comme moi, vous comprendrez sans doute rapidement les faits.

Outre la communauté latinx, l’auteurice propose une représentation de jeunes gens trans, gays, mais aussi véganes. Ils possèdent de fortes personnalités, à la fois colorées et colériques, leurs émotions sont à vifs, comme s’ils s’époumonaient à clamer leur individualité au monde entier. En cela, Cemetery Boys offre une voix authentique et sincère, entre rechercher l’acceptation d’autrui et affirmer son soi. Les latinx sont traditionnels, mais Yadriel et Maritza aimeraient leur faire comprendre que leurs pratiques peuvent évoluer. Le premier est un homme, même s’il n’est pas encore vu en tant que tel par tous, il est donc un brujo. Et en ce qui concerne Maritza, en tant que végane, elle ne peut guérir car elle n’utilisera pas de sang animal, elle aimerait confectionner des portaje, tâche « réservée » aux hommes.

Aiden Thomas dépeint des jeunes à fleur de peau, qui souffrent mais qui ont grand cœur. Des amis peuvent devenir une famille, une famille peut finir par ouvrir les yeux et voir enfin ce qui lui avait échappé. Tout comme en tant qu’individu, on peut parvenir à comprendre certaines failles et enfin sortir du schéma répétitif pour s’affirmer et être heureux. Oui, Cemetery Boys est un roman libérateur, à plusieurs niveaux.

Je vais m’arrêter là car je ne souhaite vraiment pas vous en dire plus pour que vous puissiez découvrir ce one-shot !

Dites-moi en commentaire si vous l’avez lu ou s’il vous tente 😊

par Mars Lauderbaugh

par Mars Lauderbaugh

En bref : Aiden Thomas nous offre un one shot authentique et atypique, avec une course contre la montre au sein d’une communauté latinx à l’approche de la fête des morts. L’auteurice fait la part belle à la représentation de personnages trans, gays, ou encore véganes. Yadriel et Maritza, deux « apprentis sorciers » font équipe avec Julian, un esprit, se lançant sur une piste pour laquelle ils n’étaient pas préparés. Entre se faire accepter et s’affirmer, traditions et nouvelle génération, Aiden Thomas assure un page-turner aux émotions fortes et sincères. Cemetery Boys : un roman libérateur !

Aiden Thomas, Cemetery Boys, Éditions ActuSF, label Naos, 15 avril 2022

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