Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, label Naos, 22 février 2023

Publié le par Maude Elyther

illustration de couverture par Zariel

illustration de couverture par Zariel

4ème de couverture

Elles ne pardonneront jamais à l’Olympe.

Les dieux vont enfin payer !

L'ère des faux-semblants est révolue. Pandore est prête à traverser le monde pour se venger de Zeus et des dieux qui l'ont condamnée à la honte et à la culpabilité. À ses côtés, elle trouvera deux alliés inattendues, piégées comme elle par la malice de l'Olympe : Méduse et Arachné, deux monstres qui veulent prouver qu’elles sont bien plus que cela. Leur épopée vengeresse les mènera jusqu'aux Enfers, où elles comprendront que les dieux disparaissent déjà mystérieusement... Le temps leur est compté !

Nadège Da Rocha, créatrice de la communauté Planète Diversité qui œuvre à promouvoir la littérature jeunesse, livre un roman Young Adult haletant, poétique et plein de rebondissements, de sororité et d'aventure, se réappropriant le mythe de trois femmes bafouées. Bibliothécaire le jour et autrice la nuit, Nadège écrit depuis qu’elle sait tenir un stylo. Elle a également participé à l’anthologie Diluées, aux Éditions ActuSF.

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, label Naos, 22 février 2023

Avant-propos

Je remercie Jérôme Vincent et les Éditions ActuSF pour l’envoi de ce service presse. La sororité et les « monstresses » que promettait cette réécriture moderne et féministe de la mythologie grecque m’ont fait jeter mon dévolu sur le roman de Nadège Da Rocha, que je n’avais encore jamais lue. L'autrice figure également au sommaire de Diluées, un recueil de nouvelles d'érotisme queer.

Mots clefs

Young adult – mythologie grecque – réécriture mythologie grecque – roman inclusif – queer – lgbtqia – divinités – monstresses – déesses – sorcière – Olympe – Enfers – épopée – réécriture moderne – féministe – sororité – amitié – vengeance – amours lesbiennes – pansexualité

Représentation

Personnages lgbtqia

Amours lesbiennes

Pansexualité

Personnages de couleur

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, label Naos, 22 février 2023
Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, label Naos, 22 février 2023

Mon retour

« Avec Pandore et Arachné à ses côtés, Méduse prit conscience qu’elle n’avait plus peur. Elles étaient des louves prêtes à protéger leur meute, des dragons dont le feu n’épargnerait pas les dieux. »

Introduction

Avec Quelqu’un se souviendra de nous, Nadège Da Rocha propose une réécriture young adult, moderne et féministe de la mythologie grecque. Embarquez pour une odyssée imprégnée de sororité, de portraits de femmes, de monstresses et de déesses manipulées par les dieux comme par les hommes. Tout commence avec Pandore, la Porteuses de Maux, qui a pour dessein de se venger des dieux. Sa quête la mènera sur bien des chemins, des forges d’Héphaïstos, à l’Olympe, en passant par l’île maudite de Méduse, la Forêt d'Arachné et les Enfers.

Elle était en colère. Contre eux. Eux qui choisissaient toujours leurs dieux d'abord. Même lorsqu'ils transformaient leurs filles en histoires et en monstres.

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, 2023

Des femmes et des dieux

Lorsque le souffle de vie lui est donné, Pandore reçoit à l’instar des princesses des contes de fées des dons de la part des divinités grecques. Zeus, Athéna, Aphrodite, Apollon et d’autres se succèdent auprès d’elle alors qu’elle ouvre les yeux. Née de l’argile, la voilà modelée par les dieux. Tout ça pour quoi, pour être manipulée par Zeus et ouvrir la Boîte des Maux ! Comme si cela ne suffisait pas, elle est par la suite privée de son mari, qui est son meilleur ami, et de leur fille. Car maintenant qu’elle a joué son rôle, elle est emmenée auprès d’Héphaïstos, dans ses forges. De quoi nourrir ses ruminations et son désir de vengeance. Pandore refuse de croire au Destin qui a été tissé pour elle. Les dieux l’on utilisée comme un pantin, et à présent elle tourne en rond comme un jouet enfermé. C’est bien ce que sont les dieux, non, des enfants sans cesse mécontents et colériques ?

Pandore, la Porteuse de Maux, veut se venger des dieux, enfin de certains, elle a une liste, Zeus y figure tout en haut. Un jour donc elle s’échappe des forges. Sa première étape est de trouver une arme spécifique, capable de tuer les dieux. La voilà qui met le pied sur l’Île Maudite, l’île qui a subi la fureur pétrifiante de Méduse, la Gorgone. Contre toute attente, la femme et la monstresse vont faire route ensemble, toutes deux ayant été abusées par les divinités. Sur leur route, elles trouveront Arachné, une amie de Pandore. Et à trois, démarre leur épopée. Première destination : les Enfers.

Ils la disaient victime. Victime de qui ? D'un homme qui l'avait aimée et lui avait offert un endroit à elle ? D'une mère trop protectrice qui la forçait à remonter sur terre une fois par an ? Ou d'un monde qui ne lui laissait aucune place pour être plus d'une chose à la fois ?
Ils chantent les louanges des hommes comme Orphée, Thésée ou Héraclès, qui avaient pénétré dans les Enfers et en étaient ressortis vivants. Mais qu'en était-il de Perséphone ? Celle qui non seulement entra dans le monde souterrain, mais en devint aussi la reine ?

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, 2023

Monstresses

Nadège Da Rocha donne un coup de poing à la représentation plutôt patriarcale, malgré les nuances qui existent comme le fait qu’Athéna soit une déesse guerrière, que Perséphone et Hadès forment un couple amoureux et uni. Bien sûr, les dieux grecs sont tous caractérisés, vous connaissez la chanson : Zeus est craint car il envoie des éclairs, Aphrodite doit être sotte parce qu’elle incarne la beauté (et donc elle ne peut être rien d’autre…), Perséphone ne peut pas être heureuse en Enfers (alors que si) etc

Et dans ce palmarès, eh bien il y a les monstres, et plus spécifiquement les monstresses. Toutes ces femmes jalousées et manipulées par les dieux. Pandore a été manipulée avant d’être mise de côté, comme oubliée. Méduse a été métamorphosée en Gorgone par Athéna parce qu’elle avait souillé son temple (alors qu’elle a été violée par un dieu…). Quant à Arachné, Athéna était jalouse de son talent de tisserande alors elle l’a métamorphosée, désormais elle peut paraître autant sous sa forme humaine que mi-femme mi-araignée, ou encore simple araignée.

Tout cela a conduit ces femmes à la solitude, à la haine, à l’aversion de soi-même. Si Pandore se berce avec son dessein de vengeance, Méduse ne comprend pas encore sa profonde solitude, et Arachné tente de panser son anxiété grâce au refuge qu’elle a créé au sein d’une forêt. Elles sont toutes trois très différentes, mais si complémentaires ! Au fil des pages, elles tissent des liens, des liens qui deviendront forts, car leur amitié les fera surmonter obstacles, peurs comme failles intérieures.

Le spectacle qu'offrait le jardin coupa le souffle à Pandore, qui s'arrêta pour admirer l'endroit.
Des fleurs, de toutes les tailles, de toutes les formes, de toutes les couleurs, faites de pierres précieuses rutilantes, sillonnaient sur le sol. Là, entre les plantes et la terre, Perséphone se trouvait à sa juste place. Comment Déméter et Hadès avaient-ils pu se disputer sa présence quand elle était un parfait mélange de vie et de mort ?

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, 2023

Mythologie grecque

Dans les univers de mythologie grecque, les dieux ne vivent pas à proprement parler avec les humains, mais il n’est pas pour autant rare qu’ils prennent d’autres apparences pour les approcher. On pense par exemple aux nombreuses amourettes de Zeus, Athéna sous forme de chouette durant L’Odyssée, ou encore à la guerre de Troie, déclenchée et influencée par les dieux. Les divinités se montrent parfois dans les temples qui leur sont consacrés, ou parlent à travers les oracles.

Outre les divinités, majeures comme mineures, le merveilleux est étendu à des créatures comme les hamadryades, les sirènes… Comme aux héros et aux monstres. Les héros sont des demi-dieux, nés des liaisons des dieux avec des mortelles. Quant aux monstres, en général, ils sont la marque de certains dieux, comme dit plus haut, qui punissent par jalousie. Le Minotaure est un exemple bien connu, mais ici l’autrice met surtout en lumière des personnages féminins. Voilà pourquoi elle se penche sur Pandore, Méduse et Arachné. Les dieux créent des monstres, mais quand ceux-ci deviennent trop envahissants, leurs créateurs envoient des héros pour les exterminer.

Vous cernez pourquoi Nadège Da Rocha ébranle tout cela dans une réécriture moderne ?

— Des siècles de chants, de poèmes et de héros. Et nous, quand est-ce que nous avons été les héroïnes ? Quand est-ce que notre tour viendra ?
— Alors c’est ce que tu essayes d’être, une héroïne ?
Pandore avait ri.
— Non, c’est trop tard pour moi. Je serai à jamais Pandore, Porteuse de maux. Mais peut-être que d’autres, plus tard, pourront prendre la place qui nous a été si longtemps refusée.

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, 2023

Épopée féministe

Des Enfers à l’Olympe, Pandore, Méduse et Arachné rencontrent de nombreuses femmes et portraits de femmes. Artémis et ses chasseresses, Circé, Ariane, Galathée, Perséphone, Athéna, Héra, Cassandre (Oracle), Hélène (dont la beauté déclencha la guerre de Troie), la géante Scylla etc Au fil des chapitres et des interludes, l’autrice rétablie la féminité comme la complexité de toutes ces femmes, qu’elles soient déesses, humaines ou monstresses. Toutes ont été réfrénées par les hommes et les dieux.

Certaines attendent le moment opportun pour renverser la situation, Artémis vit sur terre avec ses chasseresses, loin des hommes et de l’Olympe. Une femme n’est pas qu’une épouse, qu’une mère, elle est encore moins un objet. Tout cela exsude avec force à travers les lignes de Nadège Da Rosa, jusqu’aux interludes disséminés dans le texte. Ici, Zeus incarne à la fois le dieu manipulateur comme l’homme patriarche, et Pandore veut sa tête. Quant à Poséidon, il fait une parfaite figure de pervers narcissique, il a fait aller Méduse où il le souhaitait pour ensuite la violer et l’abandonner.

La sororité qui imprègne le roman ne s’articule pas qu’autour de Pandore, Méduse et Arachné, il s’étend à l’ensemble des figures féminines, car il y a compréhension et entraide. Peu importe qu’elles soient humaines, déesses ou monstresses. Les dieux et les hommes traitent de monstresses les femmes, il est temps de remettre les pendules à l’heure.

Avait-on seulement, un jouer, cru les paroles d'une femme ?

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, 2023

Grandir ensemble

Durant leur épopée, Pandore, Méduse et Arachné grandissent. Elles cernent mieux les émotions qui les assaillent, font face à leur peur, à leur faiblesse, cherchent non pas à dompter mais à ne faire qu’une avec elle-même, à apprivoiser les parts d’elles qu’elles ne reconnaissent pas à cause des métamorphoses. Pandore amputée de son marie et de leur fille. Méduse avec ses écailles, ses ailes et ses serpents. Arachné avec son anxiété et son impossibilité à vivre autrement qu’à l’abri dans son refuge.

Leur amitié se tisse progressivement, ce lien les rend plus fortes, fait ressortir le meilleur d’elles. J’ai beaucoup apprécié découvrir leurs différentes facettes respectives, les voir grandir ensemble et s’étoffer leur amitié. Les chapitres sont très courts et s’ils sont narrés à la 3ème personne du singulier, ils tendent à se centrer sur l’une de nos 3 amies.

Elles apprennent également auprès d’autres femmes : Artémis et ses chasseresses, Galatée, Perséphone, Éris (déesse de la discorde) et Ényo (déesse des batailles), Hélène… Tous ces portraits de femmes sont autant de fils qui tissent un patchwork de sororité. Elles se soutiennent, se guérissent, s’entraident, apprennent ensemble, vive ensemble, souffrent ensemble, s'aiment.

Alors qu'elles progressent dans leur épopée, Pandore, Méduse et Arachné évoluent. Tandis que les Enfers s'effondrent et que l'on murmure que Zeus a disparu, seront-elles prêtes à aller jusqu'au bout de leur vengeance ?

Ce n'était pas le fait d'aimer une femme qui l'effrayait, mais la découverte qu'elle était toujours capable d'un sentiment si dérisoire au milieu de tant d'autres qui consumaient son cœur depuis des années. La colère. La honte. La fatigue. La frustration. Le dégoût de soi, de ce corps qui ne lui appartenait plus entièrement. La sensation de se noyer à chaque réminiscence envahissante.

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, 2023

Œuvre queer

Nadège Da Rocha ne s’est pas arrêtée là dans sa réécriture moderne de la mythologie grecque : elle en a fait une œuvre inclusive !

Quelqu’un se souviendra de nous est un cri de cœur d’une femme pour toutes les femmes. Ainsi vous croiserez des femmes comme des déesses noires, rondes, sorcière, monstresses, femme de pierre (Galatée).

La représentation queer n’est pas oubliée puisque l’autrice traite de l’amour lesbien (Éris et Ényo par exemple), elle a même fait de Dionysos une déité non-binaire.

Dans la Grèce Antique, l’homosexualité était plus présente que ce l’on peut penser. Pensez à Achille et Patrocle. Narcisse, en tombant amoureux de son propre reflet ne tombe-t-il pas amoureux d’un homme ? Ganymède n’est-il pas cité comme amant de Zeus ?

L’autrice met en lumière d’autres formes d’amour que celles des archétypes patriarcaux. Aussi des couples de femmes se forment quand d’autres demeurent célibataires, on pense aussi à l’asexualité concernant Artémis et ses chasseresses.

Les dieux créaient des monstres dangereux, implacables, en colère, et lorsqu'ils comprenaient leur erreur, ils leur plantaient une flèche en plein cœur. Typique.

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, 2023

En bref : Avec Quelqu’un se souviendra de nous, Nadège Da Rocha nous propose une réécriture moderne et inclusive de la mythologie grecque. Contrebalançant les archétypes patriarcaux, elle nous livre une épopée féministe faisant la part belle à la sororité et à la représentation queer. Femmes, déesses et monstresses sont bafouées par les dieux et les hommes. C’est pourquoi Pandore la Porteuse de Maux, Méduse la Gorgone et Arachné la Reine des Araignées vont faire équipe pour se venger des dieux, plus particulièrement de Zeus, Poséidon et Apollon.

Au cours de leur épopée, elles iront des Enfers à l’Olympe, rencontreront comme croiseront de nombreuses femmes ou portraits de femmes, elles-aussi manipulées, jalousées et abandonnées par les dieux. L’autrice tisse une vaste sororité au travers de tous ces personnages féminins. Au fil de ce parcours, Pandore, Méduse et Arachné évoluent, grandissent en faisant face à leur peur, leurs failles. Alors que les Enfers s'effondrent et que l'on murmure que Zeus a disparu, seront-elles prêtes à aller jusqu'au bout de leur vengeance ?

Ce roman aux chapitres très courts ponctués d’interludes, se lit rapidement. Aussi, il ne porte pas dans les détails, les descriptions, c’est assez minimaliste mais suffisamment pour se représenter les scènes. L’action et les rebondissements sont au centre de la narration, d’où cette forme fluide.

Nadège Da Rocha, Quelqu'un se souviendra de nous, Éditions ActuSF, label Naos, 22 février 2023

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