Fabien Cerutti, Terra Humanis, Éditions Mnémos, 7 juin 2023

Publié le par Maude Elyther

illustration : Laure Wilmot / graphisme : Atelier Octobre Rouge

illustration : Laure Wilmot / graphisme : Atelier Octobre Rouge

4ème de couverture

Un récit antidote pour affronter les sombres perspectives du XXIsiècle !

Aux côtés de la jeune et brillante Rébecca Halphen, de Luc Lavigne, son mari, et de la dizaine d’étudiants internationaux qui composent leur groupe d’amis, Fabien Cerutti nous propose de vivre jusqu’en 2109 le destin haletant, profondément humain et tumultueux, de Terra Humanis, un mouvement politique planétaire dont l’objectif est de faire dévier notre XXIe siècle de la trajectoire dystopique qu’il semble destiné à suivre. Particulièrement en matière climatique.

Le mot de l’éditeur 

Avec ce récit utopique endiablé, Fabien Cerutti réalise un véritable tour de force. Mêlant son art de la narration à ses exigences d’historien, il met en mouvement une bonne part des innovations actuellement en développement, les jauge à l’épreuve des risques et des enjeux à l’échelle de la planète, et réussit à nous entraîner dans sa vision d’un XXIe siècle positif !

À rebours des drames post-apocalyptiques ou des utopies intimistes, Terra Humanis compose le rêve global d’un futur vraisemblable, susceptible de redonner espoir et d’insuffler l’envie de changer le monde.

Fabien Cerutti est devenu l’un des maîtres des littératures francophones de l’imaginaire avec son cycle du Bâtard de Kosigan. Il nous surprend et nous ravit avec ce plaidoyer vibrant pour un monde meilleur.

Avant-propos

Je remercie Estelle Hamelin et les Éditions Mnémos pour l’envoi de ce service presse. Terra Humanis change du registre de fantasy initié par Fabien Cerutti avec sa saga Le Bâtard de Kosigan, en proposant un ouvrage entre anticipation et essai romancé. C’est avec ce one shot que je découvre l’auteur. Pour autant, ce roman est très différent de ce à quoi je m’attendais, compte tenu de la présentation accès sur l’aspect utopique. Des passages difficiles (cf trigger warning ci-dessous) ont freiné ma lecture. Malheureusement, je reste sur un ressenti mitigé, mais comme de coutume, je vous livre un retour nuancé.

Mots clefs

Anticipation – dystopie – essai – science-fiction – utopie – réchauffement climatique – politique – transition énergétique – transition technologique

Trigger warning

Violences, viol, drogue, consommation d’alcool, écoterrorisme, attentats, destructions massives

Fabien Cerutti, Terra Humanis, Éditions Mnémos, 7 juin 2023

Mon retour

La Terre va mal, de plus en plus mal. Si nous le savons depuis plusieurs décennies maintenant, les visions de sombres et cauchemardesques dystopies ne semblent pas suffire pour faire prendre conscience et agir. Être écolo demande un budget conséquent, quant à montrer du doigt et tenir des propos culpabilisants ne peuvent pas faire avancer les choses. À échelle individuelle, le confort qu’induit notre société contemporaine de consommation voit vite émerger le mot « privation ». Alors, concrètement, que faire pour ralentir le réchauffement climatique, que faire pour respecter davantage l’environnement ?

À travers Terra Humanis, Fabien Cerutti propose des actions à échelle planétaire plutôt qu’individuelle ou nationale. Selon lui, il faut gagner du temps. Gagner du temps en mettant sur pause le réchauffement climatique, pour que les technologies se développent et aident à la transition technologique et écologique.

Dans cette optique, il met en scène deux jeunes gens exceptionnels : Rébecca Halphen et Luc Lavigne, la première est dotée d’un Haut Potentiel Intellectuel et le second, d’une mémoire eidétique (mémoire « absolue »). Ensemble, ils vont créer le projet Terra Humanis, un parti politique non invasif qui ne prendra pas parti, mais qui s’exporte dans le monde entier pour que les différents gouvernements œuvrent à échelle mondiale contre le réchauffement climatique. Actuel et plausible, Terra Humanis se répand et fidélise via l’utilisation du numérique : influenceur.se.s, chanteur.se.s, Youtubeur.se.s, artistes prêtent leur renommée et leur voix pour préserver la planète. La voie du changement est donc pensée et amorcée par la jeunesse, Rébecca et Luc s’entourant de leurs camarades aux origines hétéroclites à la Cité universitaire.

L’objectif premier du projet Terra Humanis est de gagner du temps, toutefois, Rébecca ne compte pas s’arrêter là une fois ce but atteint. En cela, Fabien Cerutti voit large : le monde meilleur atteignable concilie transition technologique et écologique avec la paix. C’est bien ce modèle qui s’apparente à l’utopie. Car penser un tel monde, c’est anticiper le futur : repenser la technologie, les énergies, le rapport au travail etc Il faut penser à tout, comme Rébecca, et même en ce sens, comment contenter à grande échelle, alors qu’il y a toujours écoterrorisme, pots de vin, suprématie financière, goût du pouvoir, jeux et enjeux politiques dans le paysage ?

Penser à tout, Rébecca s’en est fait un leitmotiv, toutefois, elle non plus n’est pas infaillible. Elle et Luc forme un couple extraordinaire, s’étant donné pour mission de rendre le monde meilleur, rien que ça. Mais leur chemin est jonché d’obstacles, de sombres réalités ; leur vie n’est pas parfaite, faite de sacrifices alors qu’ils gravissent les échelons toujours plus hauts pour promouvoir et rendre réel ce monde meilleur, ce projet de toute une vie et plus.

En ce sens, l’auteur a construit son roman sur une narration qui sied parfaitement à son propos : le récit est fractionné en de courts chapitres, eux-mêmes n’étant pas linéaires. Ainsi se sont des bonds dans le passé et dans le futur qui s’emmêlent telle une mosaïque. Pas d’inquiétude toutefois : l’auteur prend soin de situer dans le temps les chapitres, avec des précisions face aux événements.

L’ensemble est dans les grandes lignes porté par Rébecca et Luc, mais pas uniquement, la narration permet de suivre les mentalités et évolutions dans d’autres pays. Car tout n’est pas rose : jeux et enjeux politiques, trahisons, chantages, intimidation, violences, meurtres ou tentatives de meurtre. Dans cette veine, certains passages, sombres et violents, ont freiné ma lecture. Même si ces éléments sonnent réalistes, l’estampillage du présent roman ne prévient pas de ces fortes nuances, ce qui m’a pénibilisée étant donné que je pensais me plonger dans une œuvre « optimiste » (si vous cherchez un récit de science-fiction solaire, ruez-vous sur la duologie Histoires de moine et de robot de Becky Chambers - ici ma chronique sur le premier opus, Un psaume pour les recyclés sauvages).

Si, en commençant à lire cet ouvrage, nous nous rendons vite compte que nous ne sommes pas face à une utopie au sens classique du terme, je n’ai pas trouvé ce récit optimiste comme pour d’autres chroniques que j’ai pu lire. La multiplication des IA, l’omniprésence des technologies pourtant « vertes », les implants neurologiques, le rapport à la mort (qui fait écho au roman Les Chants de Nüying d’Émilie Querbalec) etc m’ont laissée dans la balance des éco-anxieux. À un moment du projet, les humains sont « trop parfaits » et vivent dans le meilleur des mondes, mais alors pourquoi aller coloniser d’autres planètes ?

Surfant sur des sujets d’actualité (reforestation, Élon Musk, les domaines agricole et spatial…), Terra Humanis est un récit d’anticipation crédible, plausible, autant qu’un essai romancé. Il propose une utopie réelle plutôt qu’une utopie au sens classique du terme, sur l’idée d’une échelle planétaire, ce qui change des scénarios plus habituels de fin du monde catastrophique, de survie individuelle. Toutefois, je dois avouer que je n’ai pas ressenti d’empathie pour les personnages, alors même que nous suivons particulièrement Rébecca et Luc à travers les moments les plus marquants de leur existence, bons comme mauvais. De plus, j'ai trouvé les êtres humains plus dénaturés que jamais, ils me paraissent coupés de la Nature, comme si elle était un sanctuaire avec lequel ils ne devaient plus avoir d’interaction (une extrémité écologique qui est traité dans Les fées scientifiques de Zoé Sauvage).

Si l’écriture m’a plu au début de l’ouvrage, le ton et les répétitions dans le propos m’ont lassée. J’ai eu un regain d’intérêt dans le dernier tiers du roman, avec un aspect de science-fiction que je ne m’attendais pas à trouver ici. Ce fut une bonne surprise qui appuie sur l’impermanence des civilisation (à ce sujet, lisez aussi La nuit du faune de Romain Lucazeau), sur les « imperfections » primaires des êtres humains.

Fabien Cerutti, Terra Humanis, Éditions Mnémos, 7 juin 2023

En bref

Je ressors mitigée de ma lecture de Terra Humanis. Toutefois, l’ouvrage propose de nombreuses idées en lien avec les technologies et recherches actuelles, de quoi anticiper demain mais à échelle planétaire plutôt qu'individuelle ou nationale. C’est là le point fort du récit, qui se distingue ainsi de romans et films post-apocalyptiques baignant dans de cauchemardesques dystopies.

Terra Humanis est une utopie réelle plutôt qu’une utopie au sens classique du terme. Le propos de l’auteur est de gagner du temps, dans l’optique de laisser du temps aux recherches dans le domaine des technologies, des énergies ou encore de l’agriculture, pour amorcer une transition écologique nécessaire aux générations à venir tout comme à la préservation de notre Terre.

Les clefs d’un monde meilleur sont entre nos mains.

Fabien Cerutti, Terra Humanis, Éditions Mnémos, 7 juin 2023

Vous aimerez aussi

Mermere de Hugo Verlomme : science-fiction utopique / ode à la mer et aux océans ;

Le livre de Nathan de Nicolas Cartelet : apocalypse liquide, piquant et autodérisoire ;

Les fées scientifiques de Zoé Sauvage : bande dessinée éco-féministe ;

Un psaume pour les recyclés sauvages de Becky Chambers : science-fiction solaire ;

Faunes de Christiane Vadnais : la survivance mutagène en réponse à l’effondrement de la Terre ;

La nuit du faune de Romain Lucazeau : science-fiction sur l’impermanence ;

Les chants de Nüying d’Émilie Querbalec : science-fiction d’un futur possible (transhumanisme, religion, science) ;

De Gauthier Guillemin : Rivages, conte onirique où la Nature a repris ses droits, et La fin des étiages, entre harmonie et conquête.

je souhaite le lire

je souhaite le lire

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article