Sandy Bizzozero, Les Larmes des Nymphes, Éditions Gulf Stream, collections Échos, 19 octobre 2023

Publié le par Maude Elyther

illustration de couverture : Celi'arts

illustration de couverture : Celi'arts

4ème de couverture

Je n’ai pas toujours été seule. Je me souviens encore de ces nuits où nous dansions dans les rivières, où nous créions de nouvelles fleurs, de nouveaux plumages pour nos oiseaux, juste parce que nous le pouvions. Tout n’était que chants et rires. Je ne connaissais alors pas le goût de la solitude, ni celui, plus amer encore, de l’ennui.

Quand Cléa arrive à Ombelle, petit village perdu dans les montagnes, elle compte bien s’y ressourcer après une première année désastreuse en école d’art. Mais ce qui devait être au départ une quête d’inspiration se mue en quête de vérité face aux nombreux mystères auxquels elle est très vite confrontée : pour quelles raisons les rares habitants de son âge l’évitent-ils comme la peste ? Pourquoi ne semblent-ils pas pouvoir quitter le village ?

Et c’est sans compter les injonctions à ne pas s’approcher de la forêt qu’on lui adresse dès son premier jour… Les craintes des habitants auraient-elles un lien avec les légendes locales mentionnant l’existence d’une créature ancestrale qui errerait dans les bois ?

Un thriller envoûtant qui interroge, à travers le prisme d’une divinité antique, notre rapport à la nature et ses conséquences.

Avant-propos

Je remercie Louise et les Éditions Gulf Stream pour l’envoi de ce service presse ! La sublime illustration de couverture de Celi’arts, artiste dont je suis le travail sur Instagram, ainsi que les thématiques de ce roman font éminemment écho à mon propre univers, aussi je ne pouvais qu’aimer ce récit !

Mots clefs

Roman jeunesse – fantastique – thriller – artistes – création – nature – rapport à la nature – forêt – légendes – animaux des bois – lgbtqia – féminisme – homosexualité – peinture – passion – solitude – nymphe – esprit de la forêt – amitié – enfance – secret – mensonge – rêve – deuil – drame – quête de soi – mal être – acceptation de soi

Sandy Bizzozero, Les Larmes des Nymphes, Éditions Gulf Stream, collections Échos, 19 octobre 2023

Mon retour

C’est avec un thé bien chaud, des cookies réconfortants et le nouvel album de Myrkur en fond sonore que je rédige cette chronique. Quel plaisir de mêler l’univers d’un roman au mien ! Les Larmes des Nymphes est une lecture automnale, entre ambiance cosy et mystérieuse, nuancée d’une touche mystique et de valeurs et thématiques fortes, le tout porté par une plume infusée par l’âme d’artiste de son autrice : tout ce que j’aime et qui résonne en moi. Ce roman est en premier lieu à destination des ados, mais il a résonné fortement en moi.

Nous suivons Cléa, qui débarque dans le village d’Ombelle pour renouer avec sa créativité et peindre les animaux de la forêt. Tout comme la pluie sous laquelle elle arrive floute le paysage et délite les contours, nous ne savons pas grand-chose de notre narratrice. Elle a 19 ans, vient de Paris et a décidé cette retraite artistique suite à une année désastreuse en école d’Arts. Le genre de personnage transparent ? Eh bien pas vraiment.

Le village tient son nom des quantités fabuleuses de fleurs en ombelles blanches qui poussaient dans la forêt et ses alentours, à l’époque. Selon la mère d’Alice, le sol semblait alors couvert de neige, si bien qu’on disait qu’un hiver éternel régnait dans la forêt d’Ombelle.

Les Larmes des Nymphes, Sandy Bizzozero, Éd. Gulf Stream, 2023

Si elle se décrit à peine physiquement, Cléa nous place aux premières loges quant à ses émotions tourbillonnantes. Son désir presque désespéré de renouer avec sa créativité, sa frustration face à ses aquarelles ratées, son incompréhension face aux comportements des jeunes de son âge d’Ombelle, son attirance fascinée pour la belle Alice, sa colère face au comportement tempétueux de Dan…

— (…) petit à petit, j’ai appris qu’il y avait différentes beautés, différents types de corps, et que tous peuvent être magnifiés. De toute façon, on ne peut pas être beau aux yeux de tous. Le plus important, c’est de l’être pour soi.

Les Larmes des Nymphes, Sandy Bizzozero, Éd. Gulf Stream, 2023

À peine arrivée à Ombelle, on exhorte à Cléa de ne pas aller en forêt, sans explication. Quel est ce tabou qui englobe la sylve ? La jeune fille aimerait avoir le fin mot de l’histoire, mais auprès de qui ? Blanche Blanchet, chez qui elle séjourne en échange d’aller faire ses courses, se trouve être un personnage haut en couleur, mais fuyant, qui a établi des règles strictes quant au partage des pièces de la maison, jusqu’aux objets minés de post-its.

Les arbres s’espacent chaque mètre davantage, puis s’ouvrent sur une clairière au centre de laquelle un petit lac s’étend paisiblement, reflétant la lune que les nuages ont libéré de leur étreinte. L’eau est immobile comme de la glace, bordée d’herbes hautes d’où jaillissent quelques fleurs sauvages. Le poids en moi s’allège un peu. Je n’ai jamais vu d’endroit aussi simplement beau de ma vie.

Les Larmes des Nymphes, Sandy Bizzozero, Éd. Gulf Stream, 2023

Cléa tente de prendre son mal en patience. Et quel meilleur moyen que de découvrir l’Atelier, cet espace ouvert à tous les artistes pour y travailler leur art ? Là, elle tombe de nouveau sur Alice, cette artiste diaphane aux somptueuses tenues. Alors qu’elle souhaite se rapprocher d’elle pour nouer des liens, Cléa fait fuir Alice, pire, elle a la nette impression qu’elle lui fait peur ? Elle n’est pas mieux accueillie par Dan et Jude, le premier s’emportant directement à sa vue, et le second l’ignorant. Mais Cléa n’a pas dit son dernier mot, et elle parvient à débuter une amitié avec Alice.

Dans sa robe, elle me semble plus féerique encore que d’habitude, comme si on l’avait arrachée à un conte pour enfant.

Les Larmes des Nymphes, Sandy Bizzozero, Éd. Gulf Stream, 2023

Cela aurait pu être l’histoire toute cosy et enchantante de deux jeunes filles devenant amies et partageant une passion commune pour la peinture, s’il n’y avait eu la forêt et les rêves. Entre le passé flou de Cléa, l’étrange comportement des jeunes Ombellois de son âge à son égard et les légendes de la forêt, ses émotions sont mises à rude épreuve. Est-elle somnambule ? A-t-elle des hallucinations ? Ou est-elle confrontée à la part mystique de la sylve ?

Ma vie est une prison.
Une prison d’épicéas et de sapins, de chèvrefeuilles et de primevères. Et partout ces petites fleurs en ombelle qui me narguent, bouquets de pétales unis par la même tige, quand moi je suis seule à être enracinée ici pour toujours.
Mes petits amis de lumière me parlent de leurs rêves d’avenir, du monde qui les attend. Ils sont si avides de le découvrir.
Et moi, si avide de les suivre.

Les Larmes des Nymphes, Sandy Bizzozero, Éd. Gulf Stream, 2023

Alors que le temps passe, au gré du changement de saison, son esprit s’embrouille, entre ses visions nocturnes, le trio Alice, Jude et Dan, la réelle raison de sa venue à Ombelle. Tout est étrange et l’oppresse de plus en plus, malgré les moments partagés avec Alice, son rapprochement avec Jude et la présence bienveillante de la truculente Blanche (si vous avez lu la formidable bd La Marche Brume, Blanche ressemble à Blanchette).

— Les parents de ma génération, et leurs parents avant eux, racontaient les légendes de notre région à leurs enfants. La tradition se perd avec le temps, comme tout. Mais à Ombelle, certaines histoires sont restées ancrées dans les mémoires. Elles se transmettent encore, le soir, pour endormir les petits. Plus personne n’y croit bien sûr.

Les Larmes des Nymphes, Sandy Bizzozero, Éd. Gulf Stream, 2023

Je ne vous dirai pas la légende d’Ombelle, je vous laisse la découvrir, mais sachez qu’elle apporte une touche écologique au récit. Mais pas que, car c’est aussi une histoire mélancolique, triste. Toute cette mélancolie se ressent à travers le personnage de Cléa, mal dans sa peau, au corps mal coordonné, comme ceux d’Alice, Jude et Dan, ces artistes aux rêves enchaînés car ils ne peuvent pas quitter Ombelle. Qu’est-ce qui les retient ? Tout est lié à un drame, duquel découle la légère ambiance thriller du récit.

— Les gens ne croient plus à la magie, aux fées et aux belles choses… mais les malédictions, les monstres et les démons, ça, ils en ont toujours peur.
— Il y a des légendes à propos de monstres dans la forêt ?
Blanche a l’air surprise de ma curiosité. Je peine à réfréner mon excitation. Je sens que je suis sur le point de comprendre quelque chose d’important.
— Ce que je voulais dire, c’est qu’il est plus aisé, à notre époque, de craindre ce que l’on ne comprend pas que de s’en émerveiller.

Les Larmes des Nymphes, Sandy Bizzozero, Éd. Gulf Stream, 2023

Sandy Bizzozero ne se contente pas de survoler la personnalité artistique de ses personnages : elle leur offre toute leur profondeur, loin des clichés, apportant des réflexions riches sur la création en général. Que ce soit la peinture, la couture, l’écriture, l’art s’exprime ici à travers divers médiums. La création est aussi vitale que l’air que les personnages respirent. Notamment chez Alice, qui peint tous les jours, travaille ses contenus féministes sur Instagram, et parvient à vendre des peintures. La facette artistique s’entremêle à la quête de soi, aux rêves et aux mensonges. Le tout étroitement imbriqué au mysticisme de la forêt et au drame qui réunit Alice, Jude et Dan.

— Est-ce que tu crois qu’il y des choses que nous ne pouvons pas comprendre dans ce monde, Cléa ? Que ce soit un dieu, de la magie ou autre chose encore… Je pense que nous ne pouvons pas tout savoir, et que c’est très bien ainsi. Mais ce que nous ne voyons pas ne doit pas forcément nous effrayer. Tout comme nous n’avons pas à tout prix besoin de l’expliquer.

Les Larmes des Nymphes, Sandy Bizzozero, Éd. Gulf Stream, 2023

J’ai adoré Blanche et Alice ! Dan aurait mérité, à mon sens, plus de présence et de profondeur, mais cet infime bémol ne désert en rien le récit. Les Larmes des Nymphes m’a ensorcelée, et même si j’avais pressenti certains éléments, j’ai été saisie par la mélancolie prégnante, par les thématiques autour de la création, de la nature, de la quête de soi et l’acception de soi.

— S’il n’y avait que ce que nous pouvons voir, ce monde ne serait pas bien intéressant. (…) Un peu de mystère ne fait pas de mal !

Les Larmes des Nymphes, Sandy Bizzozero, Éd. Gulf Stream, 2023

En bref

Les Larmes des Nymphes est une lecture automnale, entre ambiance cosy et mystérieuse, nuancée d’une touche mystique et de valeurs et thématiques fortes. Infusé à l’âme d’artiste, ce récit va vous ensorceler ! Il m’a saisie par sa mélancolie prégnante et ses thématiques autour de la création, de la nature, de la quête de soi et l’acception de soi.

Sandy Bizzozero, Les Larmes des Nymphes, Éditions Gulf Stream, collections Échos, 19 octobre 2023

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Note : en lisant Les Larmes des Nymphes, je n'ai pu que penser énormément à mon roman Le Bois Écarlate, avec son ambiance cosy mystérieuse 100% automnale, mystique, parsemée de personnages aux âmes d'artiste, et englobée par son étrange Sylve Rouge... Si jamais, il me reste quelques exemplaires de sa version aux Éditions Kiwi, en attendant que je l'autoédite. Plus d'infos dans cet article.

http://maude-elyther.over-blog.com/2023/06/le-bois-ecarlate-se-refait-une-peau-neuve.html

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